Le Chili, l’éveil d’un nouveau monde (Part. 1)

Le Chili, l’éveil d’un nouveau monde (Part. 1)

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel épisode qui nous emmène aujourd’hui au Chili. Pour rester sur un format pas trop long, j’ai découpé l´épisode en 2 parties, une partie dans laquelle je vous présente le chili et une seconde dans laquelle on parle plus précisement des zones de production.

Tout d’abord, situons le Chili. Le Chili c’est une bande de terre étroite, longue de 5000 kilomètres à l’Ouest de l’Amérique du Sud. Cette bande va jusqu’à la pointe du continent, en Patagonie, puisque la Patagonie a une partie argentine, bien connue, mais aussi une partie chilienne.

Pourquoi s’intéresse-t-on au vignoble chilien ?

La première raison, c’est qu’il s’agit un vignoble fantastique encore assez méconnu du grand public et qui ne se résume pas, comme on a tendance à le penser, à des vins rouges puissants et fruités, gorgés de soleil.

En effet, les chiliens ont fait des progrès incroyables ces 40/50 dernières années et aujourd’hui les vins chiliens sont parmi les meilleurs au monde. En attestent Les nombreuses récompenses obtenues dans les concours internationaux par les vins chiliens.

Enfin, ce pays a un énorme potentiel au niveau viticole. Il jouit d’une richesse et d’une diversité de sols, de climats, de paysages, de terroirs et de cépages qui permettent aux œnologues de pouvoir pratiquement tout envisager.

Alors comment le Chili est devenu l’un des pays du Nouveau Monde, parmi les plus intéressants au niveau viticole ?

Le Nouveau Monde, pour ceux qui l’ignorent, ce sont grosso modo les pays de l’hémisphère Sud (Afrique du Sud, Australie, NZ, Argentine, Chili, etc…)

Tout commence au milieu du 16ème siècle avec la colonisation. Les premières vignes sont importées au Chili par les conquistadors espagnols et on cultive les raisins afin de produire le vin de messe, tout comme cela se fait d’ailleurs sur le Vieux Continent.

Jusqu’au 19ème siècle, les vignes sont entretenues par des producteurs locaux pour une consommation locale à base de Pais, un cépage rouge qui n’a jamais eu d’intérêt œnologique particulier.

Les choses évoluent à partir de 1818, date de l’indépendance chilienne. On assiste véritablement au renouveau du vignoble chilien. Cela se traduit par la plantation de nouveau cépages qu’on fait venir de France : Cabernet Sauvignon, Merlot, Syrah, Carmenère (dont on reparlera tout à l’heure), Sauvignon blanc, Chardonnay, etc…. Il faut dire que les chiliens, inspirés par l’Indépendance américaine et la Révolution française quelques années auparavant, ont profité de l’occupation de l’Espagne par Napoléon pour proclamer leur propre Indépendance à partir de 1810. Donc le Chili est très influencé par la France, par sa culture, son style de vie et bien sûr ses vins.

Cette empreinte française se renforce à la fin du XIXème siècle avec l’arrivée de nombreux vignerons français qui fuient leur vignoble, ravagé par le Phylloxéra. Beaucoup d’entre eux débarquent au Chili et fort de leur expérience et toutes leurs connaissances y insufflent un nouveau souffle qualitatif.

D’autant que les viticulteurs découvrent vite que le terroir, la nature du sol, l’altitude et le climat sec de la vallée de Maipo, là où tout a véritablement commencé, permettent de produire un vin de très grande qualité.

C’est à partir des années 1970 que tout s’accélère. L’ouverture économique du Chili attire des investisseurs étrangers et naît tout une série de coopérations entre des maisons de vins chiliennes et internationales : c’est le cas de l’espagnol Miguel Torrès qui fut un pionnier, de Mouton-Rothschild, de la famille américaine Mondavi, des Lurton de Bordeaux, etc…). Bien évidemment, cela favorise l’entrée de capitaux, l’apport de savoir-faire et de technologies qui font du Chili à cette époque sans doute le meilleur vignoble d’Amérique Latine.

Dans les années qui suivent, la superficie de production explose pour atteindre aujourd’hui environ 110 000 hectares ce qui fait du Chili le dixième pays producteur mondial et le cinquième pays exportateur de vin dans le monde.

Car un autre point est intéressant.  Les chiliens ne sont pas de gros consommateurs de vins (ils leur préfèrent le Pisco. C’est une eau-de-vie, originaire du Pérou voisin d’ailleurs), et c’est la raison pour laquelle les producteurs chiliens se tournent vers l’export avec les efforts qualitatifs nécessaires pour conquérir les marchés internationaux.

Venons-en au vignoble.

Le vignoble chilien s’étend sur une zone d’environ 1000 kilomètres du nord au sud et environ 100 kilomètres d’est en ouest à l’intérieur du pays.

L’important à retenir, c’est que ce vignoble est encadré par 4 barrières naturelles :

  • A l’ouest, l’océan pacifique et les chaînes de montagnes côtières ;
  • A l’est, les Andes, qui marquent la frontière avec l’Argentine ;
  • Au nord, le désert de l’Atacama ;
  • Le sud avec la Patagonie chilienne.

Cet isolement si particulier semble expliquer pourquoi le Chili est une des rares régions dans le monde à avoir été épargné par le Phylloxéra (un insecte qui a détruit quasiment tout le vignoble européen à partir de 1865). On pourrait toutefois objecter que le Phylloxéra a sévi en Nouvelle-Zélande, pourtant également isolée. Alors d’autres hypothèses circulent comme la présence de cuivre dans les rivières chiliennes, utilisées pour l’irrigation des vignobles. Bref, ce sont des questions en suspens.

En tout état de cause, au Chili, les vignes sont « francs de pied », c’est à dire sans porte greffe résistant au phylloxéra comme la plupart des vignes européennes ; et certaines sont très anciennes.

Pas de porte-greffe (donc pas de filtre en quelques sortes entre la terre et la plante) et des vieilles vignes, c’est un atout considérable pour le pays.

Les spécificités climatiques au Chili sont très importantes. Le vignoble se situe grosso modo entre le 27° et le 39° parallèle Sud. Pour donner un ordre d’idée, cela correspond à une zone située entre Gibraltar et le Maroc dans l’hémisphère Nord.  Nous savons que ce n’est pas la zone où on produit les meilleurs vins au monde. Evidemment, Il y fait beaucoup trop chaud.

Oui mais voilà, le Chili bénéficie d’effets rafraîchissants qui modèrent les températures.

Le premier, c’est le courant de Humbolt. C’est un courant froid qui vient de l’Antarctique et qui remonte le long de la côte chilienne. Il permet à des vents froids de rafraîchir la zone côtière en fin d’après-midi et de pénétrer à l’intérieur des terres par les vallées qui jalonnent le centre du pays.

Le deuxième, c’est l’air frais qui descend des Andes et qui bénéficie aux vignes situées sur ses contreforts ou à proximité.

Le troisième, c’est la latitude des terres du Sud où le climat est beaucoup plus frais et humide.

Les meilleures zones bénéficient donc d’un climat dit « méditerranéen tempéré », avec des pluies qui sont généralement concentrées dans les mois d’hiver et avec une longue période de sécheresse qui commence vers la fin du printemps et se termine vers la fin de l’été. Cela s’accompagne d’importantes différences de températures quotidiennes entre le jour et la nuit, avec des températures de plus de 30 degrés pendant la journée en été et de grandes baisses dans la nuit. L’alternance de journées chaudes et de nuits fraîches favorise le développement de l’acidité, la concentration en sucre et l’expression des arômes. C’est donc parfait pour la vigne.

Le niveau de précipitation a une autre conséquence fondamentale. Il s’agit de l’absence de maladies cryptogamiques liées à la pluie. Cela permet aux chiliens de pratiquer une viticulture raisonnée et biologique, exempte de traitements chimiques, et l’une des plus écologiques au monde.

Cela dit, les vignerons chiliens doivent faire face à d’autres parasites, tout n’est pas idyllique et il n’en demeure pas moins que certaines régions, très sèches, qui ne bénéficient pas de ces influences rafraîchissantes n’échappent pas à l’irrigation, qui est autorisée au Chili. Pas loin de 80% du vignoble est irrigué au goutte à goutte même si de plus en plus de producteurs essayent de s’en détacher pour obliger la vigne à aller puiser profondément dans le sol.

En plus de ces particularités climatiques, le Chili a la chance de posséder une très grande variété de sols et donc plus largement de terroirs. La notion de terroir a vraiment tout son sens au Chili et cela offre au pays un potentiel viticole énorme.

Ce potentiel se traduit également par la quantité de cépages autorisés et qui réussissent très bien au Chili.

Alors, disons-le tout de suite, le roi, c’est le Cabernet Sauvignon.

Mais on va trouver au Chili, selon les zones dont on va ensuite parler, du Merlot, de la Syrah, du Carignan, du Malbec, du Carmenère, du Cabernet Franc, des cépages espagnols ou italiens, du Pinot Noir dans les zones les plus fraîches, etc..

Idem pour les cépages blancs. On y cultive surtout du Chardonnay et du Sauvignon mais aussi des cépages aromatiques comme le Riesling ou le Gewurtztraminer dans les zones fraîches, du Viognier, du Muscat d’Alexandrie, pour ne citer que les plus importants.

Arrêtons-nous un instant sur le Carmenère dont vous avez peut-être entendu parler parce que c’est bien le cépage emblématique du Chili. A la base, c’est une variété originaire de la région bordelaise, qui fut importée au Chili vers le milieu du 19ème siècle et confondue avec le Merlot.

Vers 1865, il est attaqué, comme tous les autres cépages, par le phylloxéra et va purement et simplement disparaître de la carte. Aujourd’hui, il est donc quasi-inexistant en France et même dans le monde (bien qu’on en trouve un peu en Italie également).

En 1994, l’ampélographe, c’est-à-dire celui qui étudie les cépages, Jean-Michel Boursiquot s’intéresse à ces grappes qu’on pense être du Merlot et identifie le Carmenère. Il deviendra le cépage emblématique du Chili.

Voilà pour cette première partie qui nous a permis de présenter le Chili. Dans la seconde partie, je vous parlerai plus en détails des différentes zones de production.

En attendant, n’hésitez pas á vous procurer une bouteille de vin chilien, avec modération comme toujours.

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