L’Alsace, vignoble aux mille facettes

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L’Alsace, vignoble aux mille facettes

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, je suis très heureux de vous retrouver pour ce nouvel épisode et aujourd’hui nous partons dans l’Est de la France à la découverte d’une région célèbre dans le monde entier pour ses tartes flambées, ses cigognes, ses marchés de Noel et son vignoble, c’est bien sûr l’Alsace.

Le vignoble alsacien est situé au Nord-Est de la France sur la zone frontalière avec l’Allemagne. C’est une longue bande de 170 km de long et d’une quinzaine de kilomètres de large depuis Strasbourg au Nord jusqu’à Thann, près de Mulhouse au Sud. Le vignoble est entre les Vosges françaises et la Forêt Noire allemande, avec au milieu une plaine dans laquelle coule le Rhin.

La culture de la vigne en Alsace, c’est 15000 hectares. C’est le plus gros producteur de vins blancs de France. Et en Alsace, il y a beaucoup d’appellations.

La première appellation c’est l’AOC Alsace, qui a été créée en 1962 et qui représente aujourd’hui plus de 70 % de la production.

Ensuite, il y a 51 grands crus qui possèdent chacun leur propre appellation, un peu comme en Bourgogne. Et ce depuis 2011, parce qu’avant ils étaient englobés dans une AOC Alsace Grand Cru. Ils représentent 5% de la production environ, ce qui est assez peu.

Et enfin, l’AOC Crémant d’Alsace, créée en 1976 et qui représente un quart de la production.

Sachez qu’en 2011, l’AOC Alsace a été complétée par deux dénominations géographiques : les « Communales » et les « Lieux-dits » pour les vins ayant un caractère particulier on va dire et qui doivent se soumettre à des règles de production spécifiques, plus restrictives que pour l’appellation de base.

En ce qui concerne les « Communales », 13 communes ou zones communales sont concernées comme Côtes de Barr ou Côte de Rouffach par exemple.

Bergheim, Blienschwiller, Coteaux du Haut-Koenigsbourg, Klevener de Heiligenstein, Ottrott, Rodern, Saint-Hippolyte, Scherwiller, Vallée Noble, Val Saint-Grégoire, Wolxheim.

Pour les Lieux-dits, c’est souvent lié aux spécificités du terroir avec des règles encore plus strictes.

Historiquement, on ne sait pas trop si les Romains amènent la viticulture en Alsace, toujours est-il qu’elle existe à leur époque et elle va rapidement se développer et prospérer puisqu’au Moyen Age, les vins d’Alsace sont parmi les plus prestigieux d’Europe.

Le 17ème siècle marque le début des difficultés puisque la guerre de Trente ans ravage le vignoble qui sera replanté mais plutôt en plaine pour donner de grosse quantité de vins de qualité médiocre.

Le phylloxéra et l’annexion par l’Allemagne ne vont rien arranger. En 1870, la guerre de Prusse fait passer la région du côté des allemands qui n’incitent guère les vignerons à produire des vins de qualité. Et le retour dans le giron français après la 1ère guerre mondiale ne changea toujours rien puisque les vins alsaciens se retrouvent en concurrence avec les autres vins français.

Cela a quand même un effet positif, parce que les vignerons alsaciens prennent conscience qu’il leur faut produire des vins de meilleure qualité s’ils veulent s’en sortir. Malheureusement arrive la seconde guerre mondiale et en 1941, l’Alsace devient de nouveau allemande et les choses se compliquent de nouveau.

A la Libération, le vignoble est dévasté mais les viticulteurs replantent leurs vignes et relancent la production.

En 1962, leurs efforts sont récompensés par l’obtention de l’AOC Alsace.

Ce qui caractérise le vignoble alsacien, c’est son extrême diversité de terroirs, qu’on va retrouver dans les vins bien sûr, et notamment les sols, les sous-sols, les climats et les cépages que les vignerons ont soigneusement choisi au fil du temps pour matcher avec cet environnement ou ces environnements pourrait-on dire si particuliers.

Il faut savoir que le vignoble alsacien est planté sur une des plus importantes failles géologiques en Europe.

Il y a 50 millions d’années, à l’ère tertiaire, l’ensemble Vosges-Forêt Noire se fracture et donne naissance aux Vosges d’un côté et à la Forêt Noire de l’autre. Au milieu, on a ce qu’on appelle un fossé d’effondrement : c’est la plaine du Rhin.

Toute cette activité géologique a créé une véritable mosaïque de sols que l’on ne retrouve nulle part ailleurs dans le monde : du granit au calcaire, en passant par l’argile, le schiste, le grès etc…

On va donc trouver des vignes premièrement en montagne (même si ce n’est pas de la haute montagne évidemment), deuxièmement sur les côteaux des collines sous-vosgiennes au pied du massif des Vosges à une altitude allant de 200 à 500 mètres et enfin dans cette fameuse plaine d’Alsace.

En bordure de montagne, on va plutôt trouver du granit, du schiste, des roches provenant des anciens volcans, du grès.

Sur les collines sous-vosgiennes, des terroirs calcaires, marno-calacaires, marno-gréseux, même marno-calcaro-gréseux, calcaro-gréseux, argilo-marneux.

En plaine, des terroirs colluviaux, alluviaux et des loess.

Le climat est également fondamental. Il est semi-continental. Les hivers sont froids et les étés chauds et secs.

Mais le plus important, c’est que le vignoble alsacien est abrité des influences océaniques par les Vosges, qui joue le rôle de barrière, d’écran protecteur en quelques sortes. Renforcé en plus par un effet de foehn.

On rappelle brièvement ce qu’est l’effet de foehn, c’est un phénomène météorologique bien particulier. Les masses d’air humides se déchargent de leur eau ici sur le versant ouest de la montagne, et un vent chaud et sec dévale le versant est, contribuant à faire monter le degré alcoolique du raisin par maturation et concentration.

Tout ça permet à l’Alsace d’avoir l’une des pluviométries les plus faibles de France (500/600 mm d’eau par an), et donc un climat ensoleillé, chaud et sec. Et surtout avec une très belle arrière-saison, des journées chaudes et des nuits fraîches propices à la maturation lente et prolongée des raisins et le développement optimal de la vigne.

Ces excellentes conditions climatiques d’arrière-saison, on va le voir, sont favorables à la concentration des sucres à l’intérieur des baies et au développement de la pourriture noble permettant aux vignerons de proposer des vins plus ou moins sucrés, plus ou moins doux.

De plus, elles réduisent les risques de pourriture, la mauvaise pourriture, la grise, et permettent ainsi de limiter les traitements de la vigne. Ce qui fait que l’Alsace est un des vignobles les plus écologiques de France.

Pour finir avec le climat, précisons que les vignes peuvent être palissées haut pour limiter les effets du gel et favoriser l’exposition au soleil et enherbées entre les rangs pour faciliter la rétention de l’eau et limiter l’érosion, notamment sur les coteaux.

J’apporte une petite réflexion au passage sur le réchauffement climatique. Comment se comporteront les cépages alsaciens dans les années à venir, eux qui aiment plutôt les terroirs frais ? Il est probable qu’ils perdent de leur typicité et de leur fraîcheur. Il est possible qu’on voie apparaître d’ailleurs de nouveaux cépages, plus sudistes, comme le Cabernet Sauvignon par exemple ou qu’il faille faire évoluer les méthodes de production et de vinification. Affaire à suivre.

Alors les cépages, parlons-en.

L’Alsace est le seul vignoble de l’Hexagone à mettre autant en avant ses cépages avec les appellations. On ne dit pas « je bois un Alsace » comme on dirait « Je bois un Pessac Léognan ». On dit « je bois un Riesling d’Alsace ou un Pinot Gris d’Alsace ».

Dix cépages sont autorisés dans l’élaboration des vins de la région, 9 blancs et un rouge. Parce que l’Alsace est évidemment une terre de vins blancs (disons à 90%).

Sur les 9 blancs, 4 cépages sont dits « nobles ». Ce sont le Gewurztraminer, le Riesling, le Muscat et le Pinot Gris. Ce sont les seuls autorisés en Grand Cru, en Vendanges Tardives ou en Sélection de Grains Nobles, à quelques exceptions près. On verra tout ça plus loin.

Ce qu’il faut retenir, c’est que les vins alsaciens les plus qualitatifs ne sont produits qu’avec ces 4 cépages.

Juste une petite exception, c’est un peu pointu mais je vous le dis quand même, le Sylvaner peut également être autorisé en GC, mais uniquement sur le terroir de Zotzenberg.

Les autres cépages blancs, ce sont le Sylvaner, le Pinot Blanc, le Chasselas, l’Auxerrois, le Savagnin Rose (qu’on appelle aussi le klevener de Heiligenstein).

Et le Pinot Noir est le seul cépage noir.

Le Pinot Blanc, c’est le nouveau leader de l’encépagement alsacien avec quasiment 25% des surfaces (il est surtout utilisé pour le Crémant et pour des vins un peu moins qualitatifs) devant le riesling (21 %), le gewurztraminer (16%), le pinot gris (15%), le sylvaner, le pinot noir, et le muscat. Les autres sont anecdotiques.

Alors quelques mots sur les cépages principaux.

Le Riesling, c’est un peu la star des cépages. En général, ils donnent des vins nerveux, tendus avec une grande fraîcheur, et il y a autant de Rieslings que de terroirs tant ils sont capables de refléter parfaitement les sols desquels ils proviennent.

Le Pinot Blanc, Il est plutôt utilisé pour des vins faciles qui proviennent de la Plaine ou pour le Crémant comme nous l’avons dit.

Le Gewurztraminer donne des vins particuliers et très parfumés. Difficile de passer à côté de ses arômes de rose et de litchi. Il se marie très bien avec la cuisine asiatique par exemple.

Le Pinot Gris est un cépage super intéressant, qu’il soit vinifié en sec, en vendanges tardives ou en sélection de grains nobles et qui peut atteindre des niveaux exceptionnels.

Le Pinot Noir, cépage qu’on ne présente plus et avec lequel les vignerons alsaciens ont fait de très gros progrès. On trouve de superbes Pinot Noirs en Alsace. D’ailleurs, depuis le millésime 2022, des pinots noirs peuvent porter la mention Alsace Grand Cru sur Hengst ou Kirchberg-de-Barr. C’est encore une petite exception à la règle.

Enfin, le Muscat. En fait, il y a 2 Muscats autorisés en Alsace : le Muscat à petits grains et Muscat Ottonel, qu’on retrouve beaucoup en Europe centrale, et qui est un peu plus qualitatif.

Les vins d’Alsace, en général sont des monocépages, élaborés avec un seul cépage, mais on fait aussi des assemblages. Il existe 2 types d’assemblage :

D’une part, l’Edelzwicker. C’est un vin qui peut être composé de tous les cépages blancs d’Alsace, sans indication et sans contraintes de proportion. Les cépages peuvent être vinifiés ensemble ou séparément et leur mention sur l’étiquette n’est pas autorisée.

D’autre part, il y a le Gentil, le contraire de méchant, qui fait lui l’objet d’une Charte Interprofessionnelle qui définit ses conditions d’élaboration. C’est donc un assemblage de qualité supérieure constitué au minimum de 50% de Riesling, Muscat, Pinot Gris et/ou Gewurztraminer, le reste pouvant être composé de Sylvaner, Chasselas et/ou Pinot Blanc. Contrairement à l’Edelzwicker, chaque cépage doit être vinifié séparément et doit avoir obtenu l’agrément AOC Alsace. Le Gentil ne peut être commercialisé qu’après une dégustation de validation en bouteilles.

Là aussi une petite exception que je vous livre, les terroirs de l’Altenberg de Bergheim et du Kaefferkopf peuvent revendiquer l’appellation Grand cru même s’ils sont issus d’un assemblage de cépages nobles.

Alors au niveau des vins maintenant, la 1ère chose, c’est la bouteille, si particulière et reconnaissable entre toutes, qu’on appelle la «flûte d’Alsace », avec son long col caractéristique.

Il y a tellement de vins, tellement de cépages et tellement de terroirs qu’il est impossible de décrire parfaitement ce qu’est un vin d’Alsace. Ce sont souvent des vins aromatiques, fruités et floraux, marqués évidemment par leur cépage avec de la fraîcheur, de la minéralité et sans arômes boisés, ce n’est pas ce qu’on recherche en Alsace. D’ailleurs, l’élevage ne se fait pas en fût, mais généralement en foudre, qui sont des plus gros contenants, des gros tonneaux ovales.

Les vins effervescents, ce sont les Crémants comme en Bourgogne. Ils sont élaborés selon la méthode traditionnelle, celle de Champagne. D’ailleurs, le Crémant d’Alsace est devenu le premier vin effervescent AOC consommé en France, après les Champagnes bien sûr.

La méthode traditionnelle c’est quoi ?

Après vinification du « vin de base », les vignerons effectuent la phase de tirage. Le tirage est le fait de mettre le vin en bouteille et d’y ajouter des levures et du sucre. Alors commence une seconde fermentation en bouteille et c’est ce qui permet, avec un élevage sur lattes de 12 mois minimum, d’avoir des bulles. On appelle ça la prise de mousse.

Les crémants sont soit élaborés à partir d’un cépage unique, en général le Pinot Blanc, ou être issus d’un assemblage, de Pinot Blanc et de Pinot Auxerrois par exemple.

On les vinifie soit en blanc (qu’ils soient blancs de blanc ou blancs de noir) soit en rosé à partir de Pinot Noir.

Un petit rappel :

Blanc de blanc, ce sont des vins blancs produits avec des raisins à la peau blanche.

Et blanc de noir, ce sont des vins blancs produits avec des raisins à la peau noire (comme le Pinot Noir pour les vins alsaciens) mais avec une pulpe blanche. Si vous ne faites pas macérer la peau du raisin qui est noire avec la pulpe blanche, il vous sort un vin blanc. De la couleur de la pulpe tout simplement.

La très grande majorité des raisins, qu’ils aient une peau blanche ou noire, ont une pulpe blanche. Il existe quelques variétés dans le monde qui ont une pulpe colorée comme le Alicante Bouschet en Espagne et quelques variétés de Gamay. Ce qui donne la couleur au vin, c’est le contact de la peau avec la pulpe.

Depuis 1984, deux mentions peuvent venir compléter les appellations « Alsace » et « Alsace Grand Cru« . Ce sont la mention « Vendanges Tardives » et la mention « Sélection de Grains Nobles » qu’on a déjà évoquée auparavant.

Que ce soit les Vendanges Tardives (comme son nom l’indique issues de raisins récoltés plus tardivement et donc en sur-maturité) ou les SGN, ils proviennent exclusivement de 4 cépages nobles : Riesling, Muscat, Pinot Gris et Gewurztraminer.

Pour les Sélection de Grains Nobles, les vins les plus sucrés, sous certaines conditions, on attend que se développe sur les baies un champignon, qu’on appelle le Botrytis Cinerea, qui va piquer ces baies et faire en sorte que l’eau qu’elles contiennent s’évapore. Il en résulte que la baie se déshydrate et que les sucres se concentrent. C’est ce qu’on appelle la botrytisation ou encore la pourriture noble. C’est comme ça qu’on produit les grands vins liquoreux comme le Sauternes ou le Tokay (qui soit dit en passant est bien un vin hongrois et non Alsacien même si pendant longtemps on utilisait en Alsace le terme Tokay Pinot Gris). Aujourd’hui c’est interdit.

Pour les vendanges tardives, avec un taux de sucre inférieur, l’idée, c’est que les baies du raisin s’assèchent sur le pied de vigne, on parle de passerillage sur souches, qui peut être complété parfois par un peu de pourriture noble, pour obtenir des raisins avec une teneur en sucre plus importante que celle d’un vin sec.

Et le climat particulier d’Alsace, avec cette belle arrière-saison ensoleillée, s’y prête parfaitement.

Si vous vous y perdez un peu avec le sucre, sachez que depuis le millésime 2021, la mention du taux de sucre résiduel est désormais obligatoire et uniformisée avec l’utilisation de quatre termes, sec (moins de 4g/l), demi-sec (4-12g), moelleux (12-45g), doux (plus de 45g).

Pour ces vins, plus sucrés, on va être sur des arômes exotiques, de fruits confits voire de pâte de fruits.

Il y a plus de 4000 viticulteurs en Alsace, on ne peut donc pas les citer tous. Je vous en donne quelques-uns parmi les plus célèbres : Domaine Réné Muré, Domaine Klipfel, Domaine de Weinbach, Domaine Josmeyer, Domaine Zind-Humbrecht, Domaine Marcel Deiss, Domaine Pierre Frick

Il existe également beaucoup de confréries viticoles en Alsace qui sont comme toutes les confréries garantes des traditions et du rayonnement des vins d’Alsace à travers le monde. On peut citer : la Confrérie Saint-Etienne (Kientzheim), les Amis du Kaefferkopf (Ammerschwihr), la Confrérie du Haut-Koenigsbourg (Orschwiller), la Confrérie de Saint Urbain (Kintzheim), la Confrérie des Rieslinger (Scherwiller), les Hospitaliers d’Andlau, les Bienheureux du Frankstein (Dambach-la-Ville), la Confrérie de la Corne d’Ottrott, l’Ordre œnophile de Marlenheim et la Confrérie des Quatre Bans (Cleebourg).

Voilà, l’Alsace viticole, c’était un gros dossier mais j’espère que c’est plus clair désormais si ça ne l’était pas, c’est vraiment une belle option en blanc d’autant que le prix des vins, même les GC sont plutôt raisonnables et en rouge, c’est aussi de plus en plus intéressant.

Ce sont des vins qu’on trouve partout assez facilement, tant chez les cavistes que sur internet, mais comme bien souvent le mieux est encore d’aller visiter la région et pourquoi pas vous laisser tenter par sa fameuse route des vins.

Dans le prochain épisode, on retournera sur le continent américain, dans une toute autre ambiance et en attendant, buvez du bon, le tout comme toujours avec modération.

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