Le Clos-Vougeot, joyau cistercien

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Le Clos-Vougeot, joyau cistercien

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, j’espère que vous allez bien, que vous appréciez mes podcasts, en tous cas je vous remercie de votre fidélité et n’hésitez surtout pas à en parler autour de vous pour que l’on soit de plus en plus nombreux.

Aujourd’hui je ne vous emmène pas au vent, au-dessus des gens comme dirait la chanson mais en Bourgogne et c’est déjà pas mal. Vous allez me dire, oui mais la Bourgogne c’est grand et en effet Il y a plusieurs zones viticoles, on a déjà parlé de Chablis par exemple, vous avez le Mâconnais, la Côte Chalonnaise également et surtout un des vignobles parmi les plus prestigieux au monde, c’est bien sûr la Côte d’Or.

La Côte d’Or est à la fois un vignoble et un département, ça doit être le seul à ma connaissance dans cette situation et c’est aussi le seul à porter un nom « poétique » puisque les autres départements font la plupart du temps référence à un cours d’eau ou un élément naturel, la Marne, le Var, la Charente-Maritime, les Alpes Maritimes, etc…. C’est vous dire à quel point cette région est différente des autres, à part dans le paysage français.

Et elle englobe la Côte de Beaune et la Côte de Nuits à laquelle appartient la commune de Vougeot et son fameux Grand Cru, le Clos de Vougeot.

Mais au fait, on dit Clos-Vougeot ou Clos de Vougeot ?

Alors on a tendance à admettre que si on parle de l’ensemble et de son célèbre château, on dit Clos de Vougeot et si on parle du vin Clos-Vougeot sans le D. Mais dans les faits, vous trouvez les deux indifféremment.

Alors avant d’entrer dans le vif du sujet, la 1ère chose qui convient de repréciser, c’est le système d’appellation en Bourgogne. Il y a 4 niveaux.

Le premier, c’est ce qu’on appelle les appellations régionales, il y en a 7 au total, comme l’AOC Bourgogne et qui concernent tous les vins qui entrent dans le périmètre de ce territoire et qui respectent son cahier des charges évidemment.

Ensuite, vous avez un niveau plus qualitatif, ce sont les appellations communales, il y en a 44 par exemple Appellation Meursault Contrôlée, Gevrey-Chambertin ou Pommard. Les vins qui y ont droit sont issus de raisins provenant du territoire communal délimité par le décret d’appellation.

Mais à l’intérieur de ces communes, il y a des parcelles, qu’on appelle des climats, qui ont des spécificités, des caractéristiques particulières et des qualités qui font qu’au fil des siècles, elles ont été jugées meilleures que les autres. On les a donc classées en Premier Cru, c’est le 3ème niveau et il y en a 662, et en Grand Cru, c’est le niveau d’excellence. Les Grand Crus sont des appellations à part entière comme peut l’être le Clos de Vougeot, qui est donc un climat classé en Grand Cru depuis 1937. Il y en a 33 en Bourgogne.

Mais un climat, c’est quoi exactement ?

Un climat, c’est une parcelle de terres délimitée au fil du temps par l’Homme avec certaines caractéristiques qui la rendent uniques et différentes des autres parcelles qui l’entourent. Il s’agit de son sol, son sous-sol, son climat, sa topographie, son altitude, son exposition, bref de son terroir. Et vous comprenez alors que la Bourgogne c’est une mosaïque de terroirs.

Et sachez qu’en 2015, les Climats bourguignons sont entrés au patrimoine mondial de l’Unesco.

Mais le Clos de Vougeot est-il véritablement un climat comme on l’entend en Bourgogne. Officiellement bien sûr que oui, mais si creuse…Sur le territoire délimité par l’appellation Clos de Vougeot (qui fait un peu plus de 50 hectares, soit le plus vaste des Grands Crus de la Côte de Nuits), les terres sont différentes sur la partie haute et la partie basse. Le sol est graveleux et caillouteux dans la partie haute et plus argileux dans la partie basse. On dit que les vins de la partie haute seraient meilleurs.

Ce n’est donc pas un territoire homogène et au final ça ne colle pas vraiment avec la notion de Climat telle qu’elle est définie.

Bon ce n’est pas bien grave, ça ne va pas nous empêcher de dormir et visiblement, ça n’a pas non plus posé de problèmes aux moines cisterciens qui sont les véritables artisans, les architectes des climats bourguignons et en particulier celui du Clos de Vougeot.

Il faut donc que je vous parle de l’histoire de l’abbaye de Cîteaux, maison-mère de l’ordre monastique cistercien et de son lien avec le Clos de Vougeot.

En 1098, un abbé du nom de Dom Robert décide de quitter son abbaye bénédictine de Molesme, à l’Est d’Auxerre, avec une vingtaine de compagnons, qui considèrent, comme lui, que là où ils sont la Règle de Saint Benoit n’est plus vraiment respectée, qu’il y a des petites déviances, et qui veulent revenir à quelques choses de plus strict, une vie de pénitence et de dénuement, loin de tout.

Le Vicomte de Beaune, sans doute admiratif de leur démarche ascétique, leur concède un domaine appelé Cistercium, dans une grande forêt où ils s’installent sous la protection du Duc de Bourgogne. Et là, ils vont fonder ce qu’on va appeler le Nouveau Monastère, l’Abbaye Notre Dame de Citeaux.

Le duc de Bourgogne leur fournit une première vigne sur Meursault, nécessaire pour le culte mais aussi pour que ces bons moines, qui ne font donc que prier et travailler, puissent quand même boire un petit canon. Saint Benoit avait fixé quand même la dose quotidienne à 30 cl. Et puis bien sûr, pour offrir l’hospitalité, du pain et du vin, aux voyageurs et aux pèlerins.

Vont suivre de nombreuses donations. Gardons à l’esprit l’importance au Moyen âge des actes en faveur des plus démunis, les dons, les legs parce qu’être charitable est un acte rédempteur, qui permet de racheter son salut, de gagner sa place au ciel. Et les 12ème et 13ème siècles sont une période de croisades pendant lesquelles il valait mieux être en bon termes avec le tout-puissant pour tenter de revenir en un seul morceau.

Bref, les moines de Citeaux acquièrent un patrimoine foncier considérable qu’ils n’auront de cesse de valoriser et de rendre cohérent par des achats ou des échanges.

C’est notamment le cas à Vougeot qui va revêtir une importance particulière. Et le lieu n’est pas anodin. En fait, une petite rivière, la Vouge, y passe et prend sa source tout près du village. D’ailleurs, son cours y forme comme une petite serpette qu’on appelle également une vouge. Les moines ont conscience que le contrôle de cette source est primordial pour leurs activités et leurs subsistances.

Au 14éme siècle, ils construisent un mur de 3,3 km autour de leurs terres de Vougeot et font donc de ses terres un clos. Il est probable qu’ils ne possédaient pas au début toutes les terres situées á l’intérieur mais cela se fera avec le temps. Mais surtout ils bâtissent un cellier et une cuverie à l’intérieur du clos selon des plans et une organisation très précise et efficace qui constituent aujourd´hui l’actuel Château du Clos de Vougeot. Alors pas tout à fait car le château tel qu’on le connaît aujourd’hui, une belle illustration de la Renaissance bourguignonne ne prend sa forme définitive qu’en 1551.

 Et c’est d’ailleurs un des monuments historiques, classé depuis 1949, parmi les plus connus de la région et un véritable étendard pour le vignoble.

Les moines restent seuls propriétaires du clos jusqu’à la révolution française en 1789. Le clos est alors confisqué comme tous les biens ecclésiastiques et vendu aux enchères. Il est acquis par un banquier, Gabriel-Julien Ouvrard, et restera dans cette famille jusqu’en 1889, en pleine crise phylloxérique. On peut donc considérer que le clos de Vougeot, de sa création à 1889 était un monopole.

Ensuite vient la partition du Clos en 15 propriétaires, morcellement qui s’accentue au fil des années pour atteindre aujourd’hui, une centaine de parcelles et plus de quatre-vingt propriétaires, je crois que le chiffre exact est 85, qui possèdent évidemment des parcelles de taille très différentes : 21 ares pour la plus petite et 2 hectares et demi pour la plus importante.

Il n’y a donc pas un Clos de Vougeot mais de nombreux Clos de Vougeot qui cependant ont beaucoup de points communs, au premier rang desquels le cépage puisqu’on ne fait que des vins rouges dans l’enceinte du clos à base de Pinot Noir.

Pour la petite histoire, il y a bien un vin blanc à Vougeot mais en dehors de l’appellation Clos de Vougeot. C’est un 1er cru qui s’appelle le clos blanc. Sachez qu’il y avait un double encépagement dans le clos à l’origine mais les vignes de Chardonnay furent arrachées au début/milieu du 19ème siècle.

Les Clos-Vougeot sont des vins assez puissants, riches, colorés, moyennement tanniques en général.

Ils sont sur des arômes de fruits rouges et noirs, de fleurs comme la rose, la violette, des notes de sous-bois.

Et ce sont des vins de très longue garde s’ils sont bien conservés bien sûr.

Ils se marient merveilleusement avec toutes les viandes voire avec certains poissons, avec la sauce qui va bien mais aussi avec des fromages comme l’Epoisses ou le Brillat-Savarin.

Pour s’en procurer, il y a beaucoup de possibilités, les cavistes, les domaines ou internet. Beaucoup se vendent sur allocations, comme dans tout le reste de la Côte d’Or.

Je vous rappelle ce que sont les allocations, en gros c’est le droit que vous donne un domaine d’acquérir ses vins, de façon privilégiée, puisque, disposant généralement de quantités limitées, le domaine ne vend pas ses vins à « n’importe qui » mais à ses clients réguliers. Mais ne désesperez pas, si vous êtes intéressé et prêt à acquérir un vin chaque année, les domaines ont des listes d’attente.

Alors, si vous vous dites, tiens je me boirais bien un Clos Vougeot ce soir, on ne va pas se mentir ce sont des vins très chers, à moins de 200 euros, je pense que c’est compliqué. Mais voilà ce sont des vins rares, des vins prestigieux qui vous feront passer un moment spécial si vous en avez la possibilité.

Et bien que ce soient des vins mondialement connus, une confrérie se charge depuis 1934, dans une période troublée par la crise de 29 où les vins ne se vendaient pas si bien que ça, de les promouvoir sans relâche, ainsi que la gastronomie bourguignonne. Forte de ses plus de 12000 membres à travers le monde, la Confrérie des Chevaliers du Tastevin siège au château lui-même et y organise une quinzaine de fois dans l’année ses Chapitres, c’est-à-dire ses rassemblements qui sont connus dans le monde entier.

Comprendre ce qu’est le vignoble de la Côte d’Or aujourd’hui, c’est comprendre le travail séculaire, méticuleux, acharné de ses moines de Citeaux qui l’ont façonné patiemment afin de nous accorder le privilège de boire de véritables nectars et quoi de mieux que le Clos Vougeot et son château pour bien le percevoir.

Je vous encourage, si vous ne l’avez pas déjà, de prendre une voiture, d’emprunter cette fameuse D974 qui longe les crus bourguignons et de prendre le temps de vous imprégner de ce fabuleux vignoble, notamment à Vougeot.

Boire un Clos-Vougeot est toujours un moment exceptionnel, chargé d’histoire, bien que pas toujours accessible au regard des prix qui ne cessent de flamber mais si vous avez cette possibilité, savourez ce moment comme il le mérite et avec modération évidemment.

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