Le saké, un alcool trop méconnu

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Le saké, un alcool trop méconnu

Konishiwa les amis, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, et aujourd’hui je vous propose un épisode exceptionnel sur une boisson dont nous avons une culture très limitée en Europe il faut le dire et qui est fascinante, c’est le Saké.

Le Saké, c’est un vin à base de riz qui nous vient du Japon. D’ailleurs, les japonais ne l’appellent pas Saké, Saké étant le mot employé pour désigner l’alcool en général, mais nihonshu qui signifie « alcool du Japon ». Bon, nous, on l’appellera Saké, c’est plus simple.

Alors il y a d’autres alcools faits à base de riz en Asie, comme les tord-boyaux qu’on nous offre dans les restaurants chinois avec la « femme à poil au fond » et qu’on veut bien appeler Saké, mais le plus souvent ce sont des alcools distillés, comme les spiritueux.

Or le Saké, c’est une boisson fermentée et non distillée. Comme la bière ou le vin en fait. D’ailleurs, le Saké a beaucoup de similitudes avec le vin. Le Saké se déguste comme un bon vin, on regarde sa robe, c’est-à-dire sa couleur, on sent les arômes se dégageant du premier nez puis les arômes une fois qu’on a fait tourner le verre et enfin on le goûte.

Mais pour pouvoir bien apprécier un Saké, il faut aussi comprendre son univers et encore mieux son élaboration, c’est-à-dire sa provenance, sa technique de fermentation, le type de riz utilisé, les levures utilisées ou non, le polissage du grain, la qualité de l’eau, etc…bref une multitude de paramètres qui détermine la qualité finale du produit.

Et croyez-moi, c’est une boisson extrêmement difficile à produire. Et c’est ce que nous allons voir maintenant.

Le Saké est donc un vin de riz produit à partir d’eau de source, de levures et de riz cuit à la vapeur.

Et ce riz doit être préalablement saccharifié. La saccharification, c’est quoi ? C’est la transformation de sucres complexes comme l’amidon en sucres plus simples comme le fructose ou le glucose et ce grâce à un champignon microscopique. Car dans les céréales il n’y a pas de sucre utilisable mais de l’amidon. Et la fermentation a besoin de sucres simples.

L’amidon, c’est un polysaccharide qu’il faut transformer en sucre simple pour que les levures puissent le transformer en alcool, ça, vous le savez déjà. C’est la base de la fermentation.

Vous comprenez alors que pour faire du Saké, il faut donc qu’il y ait un double processus, qui est d’ailleurs unique au Saké, et qui va opérer en même temps. On parle de fermentation parallèle multiple. La transformation de l’amidon en sucre et celle du sucre en alcool.

Toutes ces étapes que nous allons voir plus précisement sont extrêmement délicates comme je vous l’ai dit et sont orchestrées par un maître Sakéificateur, qu’on appelle un toji, qui est un acteur clé et qui détient tout le savoir-faire d’une maison de Saké. C’est un maître de chai si vous préférez mais avec une dimension et une autorité bien supérieure.

Pour commencer, il faut parler des produits utilisés, des matières premières qui ont une importance évidemment capitale.

Le Saké est composé d’environ 80% d’eau, et 30 à 40 litres sont nécessaires pour produire 1 litre de Saké. La production de Saké est très consommatrice d’eau, c’est pourquoi les maisons de Saké se situent dans des régions connues pour la qualité et la pureté de leurs eaux de sources. Il faut que l’eau ait des propriétés particulières pour pouvoir être utilisée notamment contenir du potassium, du magnésium et pas de fer, pas de manganèse par exemple.

Et les japonais distinguent les eaux dures et les eaux douces.

Les eaux dures sont riches en sels minéraux et donnent naissance à des Sakés qui ont une texture plus consistante avec en général des saveurs plus riches.

Les eaux douces sont plus pauvres en sels minéraux et donnent des Sakés plus fins, plus doux et plus aromatiques.

Ensuite le riz. Tous les riz ne sont pas adaptés à la production de Saké. Il ne s’agit pas du même riz que le riz de table, vous n’allez pas faire du Saké avec du Oncle Ben’s, tout simplement parce que le riz de table a des propriétés qui ne sont pas intéressantes pour l’élaboration du Saké.

L’appellation officielle du riz c’est Shuzo Kotekimai. Il y a énormément de variétés de riz à Saké, qui d’ailleurs est assez compliqué à produire et qui se récolte comme le raisin en septembre.

Le riz le plus cultivé c’est le Yamada Nishiki qui vient de la région de Hyogo, au centre du Japon, qui est le berceau historique du Saké.

Et évidemment, chaque type de riz apporte des caractéristiques différentes au Saké.

Un autre élément indispensable à la fabrication du Saké, c’est le koji, C’est ce champignon microscopique qui va permette la saccharification dont nous avons parlé. Son nom scientifique est Aspergillus oryzae. Il est de la même famille que celui qui crée les moisissures sur les fromages à pâte persillée comme le Roquefort.

Enfin les levures, ça, vous connaissez puisque ça marche de la même façon que pour le vin.

Maintenant que l’on a planter le décor, comment est fabriqué le Saké ? Vous allez voir que c’est un processus très délicat.

La première étape, c’est la préparation du riz.

Et tout d’abord le polissage. Cette étape est très importante car elle va déterminer la qualité et la finesse du futur Saké. On va donc venir raboter l’enveloppe extérieure du grain de riz pour atteindre son cœur riche en amidon. Parce que c’est ça qui est intéressant, c’est de là que vient le sucre nécessaire à la fermentation. C’est une technique très précise car il ne faut surtout pas abîmer les grains de riz. Cela peut donc être un processus assez long, plusieurs dizaines d’heures si on cherche un taux de polissage élevé.

Dans les Sakés commercialisés, il me semble que ça va jusqu’à un taux de 92%, rendez-vous compte, et des tests sont faits pour atteindre quasiment 99%. Il ne reste quasiment rien.

Plus le riz est poli, plus le Saké va être sur des notes légères, fines, florales. Et bien sûr, plus il sera cher parce que le polissage enlève de la matière qui a bien fallu achetée.

Attention cependant, le degré de polissage n’est forcément pas un gage de qualité. C’est beaucoup plus complexe que ça.

Alors, il y a certains termes à connaître. Daiginjo signifie poli au-delà de 50%, Ginjo au minimum 60% de polissage et quand il n’y a pas d’indication les Sakés ont un niveau de polissage inférieur à 60%.

Ensuite vient le nettoyage et le trempage.

Une fois le riz poli, une fine couche de poudre blanche recouvre les grains. Il faut donc le nettoyer, pour cela on les trempe dans de l’eau de source. Cela permet également au riz d’absorber de l’eau et de le préparer à la cuisson vapeur. C’est une étape délicate également car elle ne doit pas être trop longue au risque d’endommager le riz. Elle est donc strictement contrôlée et chronométré par le Toji.

Enfin, la cuisson du riz.

Après avoir été séché, le riz est cuit à la vapeur dans ce qu’on appelle un Koshiki, c’est un cuiseur plus ou moins grand pendant 1 heure. La cuisson doit être soigneusement contrôlée également afin que le grain de riz soit tendre à l’intérieur et dure à l’extérieur.

Après cette phase de préparation vient la phase de fermentation.

Une partie du riz est transférée vers la salle spécifiquement prévue à cet effet et dont le taux d’humidité et la température sont rigoureusement contrôlés. Le riz est étalé sur des tables, remué à la main pour faire baisser sa température, parce qu’une température trop élevée provoquerait la mort du champignon, et il est donc saupoudré de ce fameux champignon microscopique verdâtre qu’on appelle le Koji. C’est lui qui transforme l’amidon du riz en sucres fermentiscibles comme on l’a dit précédemment.

Au bout de 2 ou 3 jours et après une succession d’étapes de remuage, de mélange et de repos notamment dont je vous fais grâce, le koji, le riz ensemencé est prêt.

Ce koji est alors mélangé dans des cuves avec de l’eau, du riz cuit qui avait été conservé et des levures. C’est ce qu’on appelle le moût d’amorçage ou le pied de cuve.

Ensuite, sur 5 jours, on va rajouter un mélange de koji, d’eau et de riz en 3 fois pour obtenir le moût principal dans lequel tout le monde va faire son boulot. Le champignon transforme l’amidon en sucre et les levures le sucre en alcool. C’est la fameuse double fermentation.

Le moût, qu’on appelle le moromi, fermente pendant 20 à 30 jours. Il est ensuite mis dans des sacs de toile qui sont soit pressés pour faire sortir le liquide soit suspendus pour que le liquide sorte par gravité.

Ensuite, une fois qu’on a obtenu le liquide final, on peut ou non lui ajouter de l’alcool distillé. Alors, pas pour augmenter son taux d’alcool car vous verrez qu’à la fin du processus, on dilue le Saké, mais pour modifier son profil.

Les Sakés sans alcool ajouté s’appellent Junmai et on ne met rien dans le cas contraire.

Les Sakés sont ensuite filtrés ou pas, on peut avoir des Sakés troubles, pasteurisés ou pas, en cuve ou en bouteille. Il y a différentes options, je n’entre pas dans le détail. Mais bon, sachez que les japonais connaissait la pasteurisation 300 ans avant Pasteur qui lui aura eu le mérite de la démontrer et l’expliquer.

Sachez que vous pouvez avoir aussi des Sakés pétillants qui ont en général un faible degré d’alcool.

Une fois tout ça terminé, le Saké titre 20/22 % d’alcool et est légèrement dilué avec de l’eau afin d’abaisser son niveau d’alcool entre 14 et 17 degrés. Si on n’ajoute pas d’eau, on parle de Saké Gemshu qui ont donc un degré d’alcool un peu supérieur.

Petite anecdote, quand le Saké est prêt, les japonais ont coutume d’accrocher une boule de cèdre devant la brasserie.

Les Sakés sont généralement consommés dans l’année ou les 2 ans de leur production.  Certains Sakés peuvent vieillir mais ce n’est pas trop l’idée. Il y a un petit déficit d’acidité dans le Saké et un déséquilibre sucre/acidité qu’il ne lui permet pas de vieillir. Le mieux c’est de l’acheter et de le consommer rapidement.

D’ailleurs, quand un Saké vieillit, il perd un peu de son côté cristallin, gagne en couleur et voit ses arômes évolués comme pour le vin.

Parce que la couleur du Saké est souvent très claire voire transparente, mais en vieillissant le Saké a tendance à jaunir, à prendre une couleur ambrée.

Quand on déguste du Saké, normalement, on doit ressentir une grande pureté, une grande finesse, une belle minéralité, sans agressivité, avec une large palette aromatique selon les types de Sakés et leur méthode d’élaboration. On retrouve du fruit, une fraîcheur herbacée bien souvent, parfois une légère sucrosité mais il y a des centaines de Saké différents. C’est pourquoi il faut goûter plusieurs Sakés pour se faire une juste opinion sur cette boisson.

Les Sakés se boivent frais pour la majorité d’entre eux mais les températures de service peuvent osciller entre 5 degrés et 55 degrés car, eh oui, certains Sakés se dégustent chauds. Souvent la température de service idéale est mentionnée au dos de la bouteille, car tous les Sakés ne se réchauffent pas, mais au final ça dépend du goût de chacun, vu que le profil d’un Saké change comme le vin avec un changement de température.

Le Saké se consomme principalement pendant les repas, sauf peut-être les pétillants plutôt comme une bière, les japonais peuvent faire tout un repas avec du Saké et il y a beaucoup de possibilités. Le Saké se marie parfaitement avec la cuisine japonaise, ce n’est pas un scoop, sauf peut-être les plats épicés, ne perdez pas de vue que c’est un alcool délicat, également avec la gastronomie française bien sûr, avec des fruits de mer, des huitres par exemple ou du poisson, toutes sortes de fromages, ça marche bien avec les légumes aussi, avec un foie gras, vous pouvez oser. Voilà, moi j’aime bien l’idée de sortir des schémas habituels et d’aller chercher autre chose avec des accords surprenants.

Attention, la règle générale de conservation pour le Saké est qu’une bouteille ouverte (quelle que soit sa famille de Saké) doit être conservé au frigo et consommée dans les quelques jours après ouverture.

En termes de prix, c’est comme le vin, il y en a pour toutes les bourses mais ça tourne autour de 30 euros pour commencer à bien se faire plaisir. En plus les bouteilles sont magnifiques, 72 cl et non 75 au passage, avec des étiquettes qui sont parfois de véritables œuvres d’art, avec cette calligraphie, cette écriture kanji que je trouve juste splendide.

Il y a énormément de maisons de Saké au Japon, qu’on appelle des sakagura, certaines confidentielles, d’autres plus importantes et maintenant on en trouve aussi en Europe, en France, aux Etats-Unis etc… Je crois que la plus vieille du Japon en est à sa 55ème génération.

Acheter du Saké, ce n’est pas très compliqué, vous en avez chez de bons cavistes, dans des boutiques spécialisées voire sur internet mais attention quand même car si c’est un Saké qui est en stock depuis des lustres et mal conservé, vous risquez d’avoir une surprise.

Voilà, vous savez presque tout sur ce fabuleux alcool qu’est le Saké, évidemment pour un format court, il a fallu un peu simplifier, si j’ai titillé votre curiosité, n’hésitez pas à approfondir le sujet, c’est vraiment un sujet incroyable, la culture japonaise est fascinante et encore mieux aller acheter du Saké et sortez des sentiers battus ! Allez Kampai ! Avec modération bien sûr.

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