Vallée de la Bekaa, un vignoble millénaire

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Vallée de la Bekaa, un vignoble millénaire

Bonjour les amis, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, aujourd’hui c’est un épisode exceptionnel que je vous propose car cela fait tout juste un an que j’ai commencé ce programme et pour cloturer cette première année, il nous restait un seul continent à parcourir. Donc aujourd’hui, je vous emmème en Asie, et plus exactement au Proche-Orient, dans un pays qui a une longue tradition viticole remontant à des millénaires mais dont la vie est loin d’être un long fleuve tranquille, c’est le Liban.

En effet, le pays du cèdre est l’un des berceaux de la production de vins dans le monde puisque la viticulture y remonte à plus de 6000 ans. Et les libanais ont du mérite car notre époque contemporaine ne les a pas épargnés : des conflits incessants avec le voisin israélien, un guerre civile entre 1975 et 1990, la gestion de la crise syrienne ou encore l’effondrement économique du pays ces dernières années. Et pourtant, on ne sait par quel miracle, le pays continue de produire des vins qui jouissent aujourd’hui d’une renommée internationale et qui ne cessent de progresser.

Mais revenons un peu sur l’histoire du pays à travers le prisme de la production de vin.

On produisait déjà du vin dans la région avant l’arrivée des Phéniciens vers 3000 av. J.-C, considérés comme les ancêtres des libanais. Mais les Phéniciens jouèrent un rôle essentiel dans la diffusion du vin à travers la Méditerranée, puisqu’ils exportaient déjà leur production vers l’Égypte, la Grèce, et d’autres régions.

Puis vint la période romaine qui permit de développer de nouvelles techniques de culture de la vigne et de vinification, contribuant ainsi à la renommée des vins libanais dans l’Empire. D’ailleurs, les romains ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont érigé un fameux temple à la gloire de Bacchus, Dieu du vin, que l’on peut toujours observer à Baalbek dans la plaine de la Bekaa. Ils comprirent que cette région était faite pour le vin.

L’époque ottomane qui suivit fut bien sûr plus compliquée en raison des restrictions religieuses que les ottomans imposèrent sur la consommation d’alcool. Pourtant, certaines communautés chrétiennes, maronites et orthodoxes, conservèrent le droit de produire du vin pour les besoins du culte.

Enfin l’époque moderne, malgré toutes les difficultés qui se sont dressées sur le chemin des viticulteurs libanais, permit d’installer définitivement les vins libanais sur la carte bien qu’encore aujourd’hui il reste beaucoup d’efforts pour les faire connaître du grand public.

Au Liban, sur environ 3000 hectares, on distingue plusieurs régions viticoles qui offrent une grande diversité de terroirs et qui permettent de produire des vins très variés. Ils sont répartis de part et d’autre de la chaîne montagneuse du Mont Liban qui fracture le pays en deux. A l’Ouest, près de la Méditerranée, vous avez les vignobles de Batroun, de Keserwan, de Metn, de Chouf, de Jezzine et à l’Est, la vallée de la Bekaa, qu’on appelle aussi la plaine de la Bekaa, qui accueille plus des deux tiers de la production de vin libanaise et à laquelle nous allons nous intéresser aujourd’hui.

Cette plaine, qui couvre 4 000 kilomètres carrés, soit plus du tiers de la surface du Liban s’étend sur 120 km de long et sur une largeur de 8 à 14 km selon les endroits. Son importance est majeure pour le pays. Elle se trouve au croisement des routes les plus importantes de la région et représente depuis l’Antiquité, le grenier agricole du pays, drainée par deux fleuves de direction opposée: le Litani, qui coule du nord au sud, l’Oronte, qui coule dans le sens inverse.

Alors certes, la végétation y est florissante, on y fait pousser des céréales, des légumes, des fruits mais on y a cultivé aussi pendant longtemps du pavot et du cannabis. Jusqu’à ce que se mette en place une politique de substitution de la culture du pavot et du cannabis et du vin haut de gamme, qui permit de participer à l’essor du vignoble de la vallée de la Bekaa.

Dans la vallée de Bekaa, les vignes se situent sur un plateau de haute altitude, autour de 1000 mètres au-dessus du niveau de la mer, encadré par deux chaînes montagneuses, le Mont-Liban à l’ouest dont nous avons parlé, véritable colonne vertébrale du pays et l’Anti-Liban à l’est, à la frontière avec la Syrie et qui culminent respectivement à 3 100 mètres et 2 800 mètres d’altitude.

Et c’est primordial, car la vallée de la Bekaa se trouve au niveau du 34ème paralléle Nord et normalement, si proche de l’Equateur, vous le savez, il fait trop chaud pour faire du vin.

Alors, on trouve ces vignes surtout dans la partie occidentale de la région, dans la plaine mais également sur les versants des collines au-dessus de la ville de Zahlé, jusqu’à 1500 mètres et parfois plus, ce qui en fait un des vignobles les plus élevés du monde.

Evidemment, vous l’avez compris, les conditions naturelles et le climat font que la vigne existe dans cette partie du Liban. Ce climat, il est méditerranéen et extrêmement favorable aux raisins avec des étés longs et chauds mais des nuits fraîches, et ça c’est important. Les précipitations sont donc faibles pendant la phase végétative de la vigne et les montagnes environnantes, au-delà de la fraîcheur indispensable, apportent l’eau nécessaire pour irriguer les vignes, puisque l’irrigation est autorisée.

Des températures diurnes chaudes et des nuits fraîches donc une amplitude thermique élevée, des vignes à une altitude idéale et la protection des montagnes, voilà le secret de la Bekaa pour avoir des raisins à maturité et des vins de qualité.

Mais bien sûr ce n’est pas tout. Pas de beaux terroirs sans des sols adaptés à la production de raisins de qualité. Et la Bekaa jouit d’une véritable mosaïque de terroirs : argilo-calcaire, caillouteux, argilo-limoneux et sableux.

Et les vins dans tout ça ?

La vallée de la Bekaa produit des vins des 3 couleurs mais tient sa réputation pour la production de vins rouges, comme c’est souvent le cas dans les régions chaudes, et qui représentent ici 70% environ de la production totale.

Il faut savoir qu’au Liban, il n’y a pas pour l’instant de système d’appellations. Ça viendra sûrement, de nombreux domaines le réclame mais en attendant, pas de cahier des charges à respecter et donc les viticulteurs jouissent de la plus grande liberté pour choisir leurs cépages.

Et le choix des cépages est largement influencés par la viticulture française et notamment bordelaise. Et ce pour des raisons historiques. Le Liban et la France ont des liens anciens, notamment suite au mandat français sur le Liban, conséquence du démembrement de l’empire Ottoman vaincu lors de la première guerre mondiale. Mais ce n’est pas tout. Il faut remonter jusqu’en 1857, date à laquelle des missionnaires jésuites jetèrent les bases de la viticulture moderne libanaise en introduisant des cépages et de nouvelles méthodes de production en provenance d’Algérie, alors française.

La plaine de la Bekaa découvrit alors le Cinsault, le Grenache et le Carignan.

Aujourd’hui, on retrouve toute une palette de cépages à la fois internationaux et locaux : le Cabernet Sauvignon et le Cinsault principalement, le Merlot, la Syrah, le tempranillo, le Carignan pour les vins rouges, le Sauvignon Blanc, le Chardonnay, le Viognier, l’Obeidi (utilisé pour la production de l’arak, l’eau de vie traditionnelle libanaise), le Merwah et le Meksesse pour les blancs.

Les vins peuvent être proposés en mono-cépage mais le plus souvent ce sont des assemblages.

D’une manière générale, les vins libanais s’associent bien avec la cuisine méditerranéene et bien évidemment la gastronomie locale. Pourquoi pas un mezzé, qui est un ensemble de plats que l’on mange avec le pain libanais tels que le houmous, le taboulé, les feuilles de vigne farcies, le caviar d’aubergine, le kebbeh nayyeh, les falafels, etc… Mais aussi les poissons grillés avec lesquels les blancs libanais feront des merveilles, tout comme les fromages locaux.

Sans oublier des grillades d’agneau ou de bœuf, des brochettes, des boulettes, les keftas, qui marcheront parfaitement avec les rouges.

Et s’il vous reste un peu de place, vous arriverez sans doute à trouver un vin doux de la Bekaa pour vous faire plaisir avec quelques patisseries libanaises.

Peu de chances que vous les trouviez chez votre caviste habituel mais vous pouvez tenter votre chance dans une épicerie libanaise ou sur internet. Il y a un peu tous les prix en fonction des cuvées et des domaines.

Aujourd’hui, dans la plaine de la Bekaa, il y a quelques dizaines de producteurs. C’est encore un petit pays viticole, d’autant que de nombreux vignerons ne produisent pas de vin et vendent le raisin aux plus gros domaines.

Les deux poids lourds sont des domaines historiques, le château Ksara et le château Kefraya, vient ensuite le château Musar, le Domaine des Tourelles, Château St. Thomas, le Domaine Wardy, Château Marsyas, chateau Heritage ou encore les Domaine Ixsir (élu meilleur rosé du monde 2021 au concours Best Wine of the World) et Massaya.

Il faut reconnaître beaucoup de courage et de mérite à tous ces viticulteurs pour produire du vin dans une région très instable et dans un contexte économique plus que compliqué. Mais force est de constater que leurs efforts sont payants puisque le vignoble se développe et que la qualité des vins ne cessent de progresser. La beauté de la région, la diversité de son terroir et des vins que l’on peut y trouver en font une valeur sûre pour tout amateur de vin, avide de découvrir de nouveaux horizons, à condition que les problémes politiques les laissent un peu travailler en paix. Je vous encourage donc à faire vous-même cette expérience gustative, avec modération évidemment.

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