Le vin mythique de Constance

constance

Le vin mythique de Constance

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, je suis trés heureux de vous retrouver pour ce nouvel épisode et une fois n’est pas coutume, c’est un épisode exceptionnel qui nous attend. Pourquoi ? Et bien parce que je vais vous parler peut être de l’un des plus grands vins de la planète à être aussi peu connu, et ce vin, c’est le vin de Constance.

Le vin de Constance, c’est un vin blanc liquoreux produit exclusivement par un domaine sud-africain qui s’appelle Klein Constantia et qui se trouve à une vingtaine de kilomètres au Sud du Cap.

Alors Klein Constantia produit d’autres vins, tranquilles ou effervescents, mais c’est bien le vin de Constance qui en est la star absolue. Et pourtant il est probable que vous n’en ayez jamais entendu parler.

Mais qu’est ce qui rend donc ce vin exceptionnel? Tellement exceptionnel que l’aristocratie européenne se l’arrachait au 18ème siècle, qu’il était servi sur les tables des plus grands monarques, qu’il a inspiré des auteurs comme Charles Dickens, Jane Austen, Alexandre Dumas ou encore Baudelaire dans Les Fleurs du mal, au point même que Napoléon s’en faisait expédier trente bouteilles chaque mois lors de son exil à Sainte-Hélène et qu’il en aurait demandé, selon la légende, un verre sur son lit de mort. Bref, je ne peux pas vous énumérer tous les livres, tous les films, tous les personnages célèbres qui ont mentionné ce vin mais vous comprenez que nous avons à faire à un vin mythique.

La première raison, c’est que le vin de Constance provient de l’un des vignobles les plus spéctaculaires d’Afrique du Sud avec une vue incroyable sur la vallée de Constantia et sur False Bay. 146 hectares de vignes au milieu d’arbres légendaires, alors certes pas toutes dédiées au vin de Constance, avec tout un travail de préservation de l’environnement effectué pour renforcer la biodiversité du domaine.

La deuxième raison, c’est le passé mouvementé et romanesque du domaine.

Constantia fut fondé en 1685 par Simon van der Stel, premier gouverneur de la colonie néerlandaise du Cap. Et ce Simon Van der Stel, on l’a déjà rencontré, puisqu’il a donné son nom à la ville de Stellenbosch.

Dans cette vallée que l’on nommera Constantia, on ne sait pas avec précision pour quelle raison d’ailleurs, il crée un domaine, émerveillé par la beauté de l’endroit mais aussi car il y décèle un potentiel viticole exceptionnel.

D’une part, les sols granitiques décomposés des contreforts de Table Mountain sont bien drainés et leur haute teneur en argile assure une bonne rétention d’eau pendant les étés longs et secs du Cap.

D’autre part, parce qu’ici les températures restent fraîches grâce aux brises marines constantes venant de la baie, qui proviennent d’un courant froid venant de l’Antarctique, le courant de Benguela. Et ces brises permettent aux raisins de bénéficier à la fois de chaleur et de fraîcheur. Et c’est important car si vous avez écouté le podcast sur Stellenbosch, qui n’est pas très loin, Constantia se trouve autour du 34ème parallèle Sud et il y fait très chaud.

Enfin le vignoble bénéficie également d’un vent d’Est qui permet une très bonne aération des raisins et limite notamment la propagation des maladies comme le mildiou ou la pourriture grise. C’est pourquoi on lui a donné le nom du Cape Doctor.

Dans ces conditions, les baies peuvent mûrir complètement, avec une concentration importante, une intensité de saveur remarquable ainsi qu’une acidité naturelle élevée.

Mais revenons à l’histoire du domaine. Après la mort de Van der Stel, le domaine original va être divisé, passé de mains en mains et connaître le fabuleux succès dont on a parlé. D’ailleurs de ces sub-divisions restera Groot Constantia, c’est-à-dire la Grande Constance, détenu aujourd’hui par le gouvernement sud-africain, et Klein Constantia, la Petite Constance.

Mais dans la seconde partie du 19éme siècle, un certain nombre de mauvais coups sont portés au vignoble : des maladies qui ravagent les vignes, le mildiou, l’oidium et plus tard le Phylloxéra, en 1861 un accord de libre-échange conclu entre la Grande-Bretagne et la France qui compliquent les relations commerciales avec la Province du Cap, l’abolition de l’esclavage qui rencherit le cout de production du vin, auquel s’ajoute plus tard le boycott international des produits sud-africains en raison de l’apartheid. Bref, Klein Constantia tombe dans l’oubli pendant plus d’un siècle.

Et c’est dans les années 80 que va renaître le vignoble sous l’impulsion de nouveaux propriétaires, la famille Jooste, qui le rachète à l’époque pour 1 million de rand, soit 50 000 euros actuels, avec le rêve secret de recréer « le vin doux, succulent et excellent de Constantia » qui avait disparu 100 ans plus tôt.

Entre 1981 et 1982, des vignes sont replantées à partir d’un clone spécial de Muscat de Frontignan et une 1ère récolte voit le jour en 1986, mais ce millésime ne sera jamais commercialisé. Il faudra attendre 1987, qui marque véritablement la renaissance du vin de Constance.

En 2011, la famille Jooste vend Klein Constantia à l’homme d’affaires tchèque Zdenĕk Bakala et à l’anglais Charles Harman.

Un an plus tard, Klein Constantia fusionne avec le vignoble Anwilka basé à Stellenbosch (dont sont propriétaires notamment Hubert de Boüard, propriétaire de Château Angélus et Bruno Prats, ex-propriétaire du Château Cos d’Estournel).

Aujourd’hui, le vin de Constance est une légende parce que c’est aussi un cadeau à votre palais. On ne le compare guère qu’à Yquem ou un Tokay Esencia. C’est un vin blanc sucré, liquoreux dont le taux de sucre résiduel par litre tourne autour de 165 grammes. Il est élaboré exclusivement à partir de Muscat de Frontignan, appelé aussi Muscat à petits grains, avec sa peau épaisse, parce qu’on considère qu’ici c’est celui qui marche le mieux.

A Constantia, pas de pourriture noble comme à Sauternes, le sucre provient de la surmaturité des raisins, d’un passerillage sur souche. Des raisins qui sont récoltés manuellement à partir de fin janvier sur une période de 3 mois, avec entre 20 à 30 passages dans les rangs, les premiers raisins étant récoltés avec une maturité plus faible et une acidité plus importante pour apporter de la fraÎcheur au vin. Parce que chaque passage fait l’objet d’une fermentation différenciée, qui peut durer de 3 mois à un an en fûts de 500 litres, puisque les raisins ont des maturités et des taux de sucre et d’acidité différents, le tout étant assemblé après 3 ans dans des fûts de chêne ou d’acacia français ou hongrois.

Cela donne donc un nectar d’une belle couleur dorée, superbement équilibré grâce à une belle acidité qui vient contrebalancé le sucre. D’ailleurs le responsable du domaine dit, à juste titre, que les gens aujourd’hui n’aiment plus les vins sucrés car ils sont trop doux, parfois trop lourds mais que a contrario le vin de Constance pourrait presque donner l’impression d’être sec. Je ne sais pas si j’irais jusque là mais c’est vrai que son équilibre est juste parfait.

Et ce n’est pas tout : le vin de Constance est un festival aromatique : agrumes, pêche, ananas, nectarine, mangue, abricot, litchi, rose, amande, gingembre, fleurs blanches et j’en passe, selon le millésime et l’âge du vin. Car avec une telle acidité et ce taux de sucre, ce sont des vins qui peuvent traverser les siècles sans difficulté.

Enfin, le vin de Constance, c’est une bouteille iconique de 50 cl, reconnaissable entre toutes et qui a conservé sa forme d’origine à travers les siècles. Je ne vais pas vous la décrire mais vous invite à la chercher sur internet.

Alors tout au long de ce podcast, je vous ai parlé du domaine, Klein Constantia et du vin de Constance. Vous aurez donc noté que le nom du vin est en français. Et bien cela semble provenir de l’influence historique de la culture et de la langue française dans le monde du vin, notamment dans les milieux aristocratiques et diplomatiques de l’époque. Sans compter d’autre part, que l’Afrique du Sud a vu débarqué beaucoup de huguenots français à la fin du XVIIe siècle, fuyant les persécutions religieuses en France après la révocation de l’édit de Nantes en 1685.

Voilà, si vous n’avez pas prévu un tour en Afrique du Sud ce WE, vous pouvez trouver le vin sur internet et franchement il ne faut pas hésiter. Les millésimes récents tournent autour de 60 /70 euros, alors OK c’est 70 euros pour 50 cl, mais moi perso je ne connais pas d’autres vins mythiques à ce prix. D’autant que la production est limitée, ça doit être 25000 bouteilles je crois.

Personnellement j’en ai acheté 3 bouteilles il y a quelques jours, une pour le plaisir et deux qui seront ouvertes dans de nombreuses années pour une belle occasion. Et rien que les recevoir dans leur bel étui, c’est déjà un pur bonheur.

Alors je ne sais pas si je vous ai convaincu, mais si c’est le cas, je suis sûr que vous me remercierez en goutant ce vin de Constance, mais que surtout vous mesurerez la chance que que vous avez de déguster ce trésor du bout du monde, avec modération bien sûr.

Laisser un commentaire