Le classement de 1855

Le classement de 1855

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Aujourd’hui, nous n’allons pas parler d’une appellation ou d’un vin mais d’un classement, le fameux classement des vins de Bordeaux de 1855.

Pourquoi? Parce qu’il s’agit d’un classement que tout amateur de vins connaît, qui a été élaboré dans des conditions particulières et qui continue de faire autorité aujourd’hui dans le monde du vin, même s’il est souvent contesté. Il faut donc bien comprendre sa raison d’être et ce qu’il représente aujourd’hui, en 2025.

Tout commence avec le souhait de Napoléon III, alors empereur des français, d’organiser une exposition universelle, prévue à Paris en 1855. Différents comités officiels sont chargés d’identifier et de sélectionner des produits et des œuvres pouvant être exposés, venant de toutes les régions françaises et du monde entier. Dans ce cadre, il fut donc demandé à chaque région viticole d’établir un classement ou une liste de ses meilleurs vins.

Et c’est la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux, créée en 1705, qui initia le dossier pour la Gironde. A noter qu’elle ne s’occupait que de la rive gauche de la Garonne, c’est-à-dire le Médoc et non de la rive droite, avec notamment Pomerol et St Emilion, qui elle dépendait de la Chambre de Commerce de Libourne. C’est pourquoi dans le classement de 1855 ne figurent que les vins rouges du Médoc, un cru rouge des Graves, le Château Haut-Brion et les vins blancs liquoreux de Sauternes et de Barsac.

Ainsi, Duffour-Dubergier, le président de la Chambre de Commerce de Bordeaux demanda aux courtiers de la place bordelaise d’établir un classement, non pas à partir de dégustations, mais basé sur la notoriété et le prix des crus en basant leur appréciation non pas à un instant T mais sur plusieurs années.

Les courtiers étaient parfaitement indiqués pour cette tâche, car comme on l’a déjà évoqué pour les vins vendus en primeur, ce sont le courtiers, intermédiaires entre les propriétaires et les négociants qui ont la vision la plus complète et sincère des vins et du marché à Bordeaux.

Ainsi, le 5 avril 1855, la Chambre de commerce adressa au Syndicat des courtiers une lettre demandant, je cite, « une liste de tous les crus classés de vin rouge du département, aussi exacte et complète que possible, précisant à laquelle des cinq catégories appartient chaque domaine et dans quelle localité il est situé ».

Car les vins rouges ont été classés par ordre d’importance du premier au cinquième cru et les blancs sur trois niveaux.

Aujourd’hui, on dénombre 60 crus du Médoc et 1 cru de Pessac-Léognan (le château Haut-Brion) soit 5 Premiers Crus, 14 Deuxièmes Crus, 14 Troisièmes Crus, 10 Quatrièmes Crus et 18 Cinquièmes Crus.

Et pour les blancs, il y a 27 crus de Sauternes et Barsac : 1 Premier Cru Supérieur (Château d’Yquem), 11 Premiers Crus, 15 Deuxièmes Crus.

Depuis 1855, ce classement n’a presque pas bougé. Pour les rouges, il a tout de même connu deux changements :

-le premier, le 16 septembre 1855, alors que l’exposition universelle de Paris n’était pas encore terminée, le Château Cantemerle fut ajouté à la liste des cinquièmes crus;

– le second, le 21 juin 1973 : Mouton Rothschild passa de deuxième à premier cru, par décision signée du ministre de l’Agriculture de l’époque, Jacques Chirac.

Outre ces deux changements, d’autres événements ont affecté le classement pour le faire passer de 57 crus à l’origine à 61 crus actuellement :

-les vignes du Château Dubignon ont été absorbés en 1960 par le Château Malescot Saint-Exupéry et le Château Margaux ;

-le Château Pouget-Lassale a été intégré au Château Pouget en 1874 ;

– En 1880, le domaine de Léoville est séparé en trois entités distinctes : le Château Léoville Las Cases, le Château Léoville Poyferré et le Château Léoville Barton ;

-le Château Pichon Longueville fut définitivement scindé en deux en 1860 pour donner naissance au Château Pichon-Longueville et au Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande ;

-le Château Boyd fut divisé en deux propriétés : le Château Boyd-Cantenac et le Château Cantenac Brown ;

-Enfin, le Château Batailley fut séparé en deux en 1942 pour aboutir à la création du Château Haut-Batailley.

Pour les blancs, Le classement est passé de 21 crus à l’origine à 27 crus aujourd’hui. Cette évolution est due aux événements suivants :

-le Château Pexoto a été intégré en 1872 au Château Rabaud ;

-en 1878, l’ héritière du Château Peyraguey décida de séparer en deux lots la propriété d’oú naîtront le Clos Haut-Peyraguey et le Château Lafaurie-Peyraguey ;

-en 1903, le Château Rabaud est scindé en deux propriétés : le Château Sigalas Rabaud et le Château Rabaud-Promis ;

-la succession du Château Broustet Nérac va conduire à la création du Château Broustet et du Château Nairac ;

-après 1875, le Château Doisy est divisé en trois entités distinctes : le Château Doisy Daëne, le Château Doisy-Dubroca et le Château Doisy-Védrines ;

-le Château Lamothe est divisé en deux en 1981 ce qui conduit à la création du Château Lamothe Guignard ;

-Enfin, le Château Romer est scindé en deux au début du XXe siècle et le Château Romer du Hayot résulte de la scission.

Le classement de 1855 est une référence pour tous les amateurs et les consommateurs, c’est indéniable, mais 170 ans plus tard, les choses ont bien évidemment bougé et le marché s’est chargé de réévaluer les vins, d’en promouvoir certains, d’en déclasser d’autres sans que le classement ne soit officiellement inquiété et modifié.

Si la liste élaborée par les courtiers en 1855 ne peut plus être considérée comme actuelle, elle reste toutefois d’une remarquable précision. Pourtant, les avis sont partagés et les débats font rage sur son caractère obsolète et sur une révision souhaitable de ce classement.

Pour ma part, il me semble qu’il faut laisser la polémique de côté, utiliser ce classement comme une référence pertinente d’une situation passée, une sorte d’héritage laissé par les acteurs de l’époque et simplement juste faire confiance à ses propres goûts et préférences, en laissant le marché effectué les rééquilibrages nécessaires.

Boire un grand cru de Bordeaux, ce n’est donc pas boire une position dans un classement mais plus justement le fruit d’un terroir spécifique combiné au savoir-faire des Hommes qui en prennent soin au fil des années. Faites donc plutôt confiance à votre palais et à votre jugement tout en espérant que les prix des très bons châteaux s’assagissent pour pouvoir continuer à en déguster, avec modération bien sûr.

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