Bonjour les amis, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, j’espère que vous allez bien, et aujourd’hui, je vous propose de nous plonger dans un sujet d’actualité, assez mal compris il faut le dire, puisqu’il s’agit des vins dits nature ou naturels.
Dans cet épisode, nous les appelerons Vins “natures” ou “naturels” mais sachez que ces terminologies, inventées par quelques précurseurs et encouragés par des restaurateurs et cavistes, n’existent pas. Pire, il est même illégal de les employer. Vous ne pouvez pas associer les mots “vin” et “nature”. C’est vous dire si le sujet est complexe à cerner d’autant qu’il y a beaucoup de confusion autour de ces notions qui s’opposent à la viticulture la plus répandue, la viticulture dite conventionnelle. On parle ainsi de viticulture raisonnée, eco-responsable, de vins bio, de biodynamie et donc de vins “naturels”.
Et si le 20ème siècle a vu émergé ces viticultures et vinicultures alternatives, plus respectueuses de notre environnement, c’est bien parce que certains vignerons ont réalisé que la voie empruntée par la viticulture conventionnelle n’était pas la bonne. Pire, qu’elle était dangereuse pour notre planète et notre santé.
En effet, le 20ème siècle fut celui de la mécanisation à outrance, de la généralisation des produits chimiques (pesticides, herbicides, fongicides, insecticides et fertilisants) dans le but notamment de rendre le travail dans les vignes plus simple et de lutter de façon plus radicale contre les maladies cryptogamiques. Dans les chais, cela s’est traduit par une volonté absolue de tout maîtriser en multipliant les techniques interventionnistes et les manipulations qui, certes corrigent les défauts et déviations, mais qui au final dénaturent le simple jus de raisin fermenté que doit être le vin.
Alors oui, au quotidien, les vignes sont attaquées, le climat peut être parfois destructeur et les vinifications se révéler aléatoires. Il est donc légitime que des vignerons aient vu dans la viticulture conventionnelle et ces produits de synthèse un moyen de protéger leurs récoltes et leur exploitation. Pourtant, d’autres ont courageusement décidé d’emprunter d’autres voies, parfois il est vrai avec hésitation, préférant sacrifier éventuellement une partie de leur production plutôt que de trahir leurs convictions profondes. Les vignerons dit “nature” font partie de ceux-là.
Alors, au fond, qu’est-ce que c’est qu’un vin “naturel” ou “nature”? Ce n’est pas simple de répondre à cette question car il n’existe aucune définition officielle ni aucun cadre juridique précis concernant ce type de vins. Cela a été envisagé mais au final abandonné. D’autant que les vignerons ont parfois des différences de vue et des approches différentes du sujet. Cependant, il existe plusieurs associations qui défendent les intérêts des vignerons “nature” et c’est sur la Charte de ces associatons que nous devons nous baser pour tenter d’y voir plus clair. Ces associations, ce sont l’AVN, l’Association des Vins Naturels, S.A.I.N.S et Vin Méthode Nature.
Ainsi, un vin dit naturel, c’est au minimum un vin bio ou issu d’une viticulture biodynamique, dans le meilleur des cas certifié, et dont les raisins ont été récoltés manuellement. Ça, on va dire, c’est la base. Tous les vins produits selon ces approches, selon ces philosophies, sont des vins produits de manière saine, respectueuse de la nature, avec un minimum d’interventions et surtout sans utiliser de produits chimiques. L’idée, c’est de produire des raisins mûrs et sains sur des sols vivants, grouillant de micro-organismes, permettant aux plantes de se nourrir, des sols oxygénés, aérés, une microfaune et une microflore la plus riche possible ainsi qu’une grande biodiversité.
Là où ces méthodes peuvent différer, c’est au niveau de la vinification. Les vins « nature » sont vinifiés sans ajouter ni retirer quoi que ce soit. Ils sont élaborés à partir de levures indigènes exclusivement et donc, sans aucun intrant ni recours à des techniques ou des manipulations brutales. C’est ce que le Syndicat Vin Méthode Nature, créé en 2019, appelle tout simplement le “Vin Méthode Nature”, une terminologie qui a été acceptée par la DGCCRF, qui peut donc s’utiliser librement et qui pourrait à l’avenir se généraliser.
Toutefois, quand on dit sans intrant, ce n’est pas tout à fait exact et c’est là que les divergences commencent. Vin Méthode Nature autorise, même si cela n’est pas encouragé, une éventuelle addition de sulfites, après la fermentation, et qui doit impérativement être inférieur à 30 mg/l.
De son côté, l’Association des Vins Naturels, l’AVN, n’autorise que des doses de S02 inférieure à 10mg/l.
L’Assocation S.A.I.N.S, elle, va plus loin dans sa démarche, car comme son nom l’indique, SAINS signifiant “Sans Aucun Intrant Ni Sulfite”, elle n’autorise pas l’addition de sulfites.
Et cette histoire de sulfites est l’un des points centraux du débat sur les vins bio et a fortori “naturels”. Il faut donc bien comprendre de quoi on parle.
Le S02, le dioxyde de soufre, l’anhydride sulfureux ou les sulfites, appelez ça comme vous voulez, sont produits naturellement par le processus de fermentation puisqu’ils sont synthétisés par les levures. Il y en a donc toujours dans le vin. En plus ou moins grande quantité. On ne peut pas faire autrement. Le problème, ce sont les sulfites qu’on ajoute.
Avant de comprendre pourquoi c’est un problème, essayons de comprendre pourquoi on en utillise.
Le soufre, c’est un minéral naturellement présent dans le sol. Et soyons clair, il n’y a pas de soufre dans le vin. Le soufre, c’est pour le traitement de maladies comme l’oidium éventuellement. Ce qu’on ajoute au vin, c’est une forme dérivée du soufre, en l’occurrence les fameux sulfites.
Et les sulfites, sur le papier, et bien ce n’est pas si mal car il ont des avantages. En effet, ce sont des conservateurs, des antioxydants qui protègent le vin de l’oxydation et ce sont également des antiseptiques et antifongiques, qui tuent les micro-organismes qui n’intéressent pas les vignerons comme des bactéries et des moisissures.
Ils ont enfin un rôle de stabilisant et agissent comme dissolvant et clarifiant. Ils accélèrent aussi la décomposition du raisin pour favoriser la libération des tannins et des arômes.
Vous comprenez que le vin étant chimiquement instable et à la merci de tout un tas de micro-organismes, les vins sans sulfites ajoutés sont très fragiles, reclament une hygiène impeccable, ont besoin de conditions de conservation parfaite, et en plus voyagent très mal, ce qui d’un point de vue commercial rend les choses encore plus compliquées.
Du coup, la tentation est grande d’ajouter des sulfites. On peut en rajouter :
-A la vendange pour transporter les raisins vers le chai sans risque de départ de fermentation ou que des raisins dans un moins bon état sanitaire ne soit attaqués;
-Au foulage ou à la sortie du pressoir, pour prévenir également les dérapages microbiens et l’oxydation;
-Pendant la fermentation, par exemple pour arrêter ou empêcher la fermentation malolactique;
-Au soutirage, lorsqu’on manipule le vin et qu’il passe des cuves aux fûts;
-Ou encore à la mise en bouteille pour empêcher l’oxydation ou toute action microbienne dans la bouteille.
Au final, les moments choisis pour l’adjonction de sulfites varient d’un domaine à l’autre et dépend des habitudes des vignerons ou des maîtres de chai, des choix techniques et de la qualité sanitaire de la vendange.
L’adjonction de sulfites dépend aussi du type de vin élaboré. En effet, pour un même résultat, tous les vins ne requièrent pas la même quantité de sulfites. Les vins rouges sont les moins exigeants car ils contiennent des antioxydants naturels dans la peau des raisins, les pépins et les rafles. Ce qui n’est pas le cas pour les vins blancs. Et ce sont les vins liquoreux qui sont le plus gourmand en SO2 car le sucre se combine avec une grande proportion des sulfites ajoutés.
Ne pas ajouter de sulfites, ou très peu, est donc un pari risqué. C’est pourquoi la viticulture conventionnelle autorise en France cette adjonction à hauteur de 150 mg/l pour les vins rouges, 200 mg/l pour les blancs et 400mg/l pour les liquoreux.
Sachant que, à titre de comparaison, l’Organisation Mondiale de la Santé a défini une dose maximale de sulfites à ne pas dépasser. 45 mg par jour pour une personne de 65 kilos. En gros, pour un homme moyen, c’est un tiers d’une bouteille de vin blanc.
Les sulfites ont donc beaucoup d’avantages. Mais si des seuils ont été définis et leur utilisation très encadrée, et que des vignerons sont prêts à prendre des risques importants pour ne pas les utiliser, c’est qu’il y a bien un souci.
Premièrement, ce sont des additifs et en ce sens, ils dénaturent le vin, d’autant plus que la quantité ajoutée est importante. Intuitivement, c’est parfaitement compréhensible.
D’autre part, le SO2 est un allergène, classifié comme tel et certains consommateurs peuvent développer des effets indésirables tels que des démangeaisons, de l’urticaire, des éternuements ou encore des douleurs abdominales. Ils peuvent aussi provoquer, pour les personnes les plus sensibles, des maux de tête et des migraines, bien qu’à ma connaissance la relation entre les deux n’ait pas été formellement démontrée.
C’est donc pour cela que depuis 2005, la législation de l’Union Européenne impose que le consommateur soit informé sur la présence de sulfites avec la mention sur l’étiquette « contient des sulfites », et ce à partir d’une quantité totale de S02, c’est-à-dire produit naturellement et ajoutés, de 10 mg/l. Or, il n’y a quasiment pas de vins sous les 10mg/l puisque comme je vous l’ai indiqué la fermentation en produit, qu’on le veuille ou non.
Du coup, se pose un autre problème. Si quasiment tous les vins contiennent des sulfites, comment savoir si le vin en contient 10mg, 50mg ou 150 mg? Et bien cela ne repose que sur les informations communiquées par le vigneron, comme son appartenance à un label de vins naturels ou bio par exemple.
Ainsi, au-delà de l’aspect philosophique ou sanitaire, il est légitime de se demander si les vins naturels sont meilleurs ou non que les vins élaborés de manière conventionnelle. Alors qu’en est-il à la dégustation?
Tout d’abord, soyons clair, un mauvais vin naturel reste un mauvais vin. Tout comme un mauvais vigneron. Il n’y a pas de magie. Mais lorsqu’il est bien fait, il est le parfait reflet de son terroir, de son cépage, du millésime, bref, de ce que la nature a produit. Pour en avoir le cœur net, il faut comparer deux cuvées strictement identiques avec des niveaux de sulfites différents. Et les quelques expériences réalisées en ce sens semblent bien démontrées une différence notable entre les deux vins : plus de pureté, de digestibilité voire une plus grande légèreté pour les vins “nature”, qui a contrario, peuvent être plus troubles, n’étant pas filtrés, ou avec un léger retard dans le développement aromatique.
Il faut également reconnaître que certains vins “nature” peuvent présenter des défauts ou des déviations significatives. Une odeur d’écurie dues à des levures qu’on appelle les bretts, les brettanomyces, des vins oxydés, des vins huileux qui ont la maladie de la graisse ou encore des arômes rances. Et comme dirait l’autre “c’est le jeu ma pauvre Lucette”.
Au niveau des prix, certains avancent que les vins “nature” devraient être moins chers car ils nécessitent moins d’interventions, moins de produits. C’est selon moi ne pas avoir conscience de l’immense travail réalisé par les vignerons “nature”, que ce soit dans les vignes ou dans les chais et les risques pris chaque année pour leur exploitation, leurs salariés, leur famille, au nom de leurs convictions. Leurs efforts ont un coût.
Vous comprenez donc que faire des vins “naturels”, c’est simplement prendre soin de son environnement et laisser faire la nature, la question de l’addition d’une petite quantité de sulfites à la mise en bouteille pouvant marquer quelques différences entre les vignerons.
Sans nécessairement faire le procès de la viticulture conventionnelle, qui de mon point de vue n’aura d’autres choix que d’évoluer, il faut saluer le courage de ces vignerons “nature”, les Pierre Overnoy dans le Jura, Thierry Puzelat dans la Loire, Pierre Frick en Alsace, Sylvain Pataille en Bourgogne, et bien d’autres, engagés dans une démarche personnelle mais qui profite à notre environnement et aux consommateurs que nous sommes. Je regrette toutefois qu’ils aient d’une certaine façon à se justifier en indiquant sur leurs bouteilles que leurs vins sont produits avec des méthodes respectueuses et saines. Il conviendrait selon moi d’obliger ceux qui utilisent des produits de synthèse à l’indiquer et le détailler sur leurs étiquettes. Après tout, nous avons le droit de savoir si, d’une certaine façon, on met notre santé en danger. Ensuite, chacun est libre de ses choix.
Je vous laisse donc à ces réflexions et pour finir je dirais que, bien que contenant très peu de sulfites, certains vins “naturels” peuvent quand même vous donner mal à la tête si vous en abusez, alors buvez avec modération…