Les règles du vin Casher

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Les règles du vin Casher

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, je vous souhaite la bienvenue sur ce podcast, et aujourd’hui nous n’allons pas parlé d’une appellation, mais de vins que vous pouvez rencontrer notamment si vous avez de la famille ou des amis de confession juive, ce sont bien sûr les vins cashers.

Pour la communauté juive, le vin tient une place particulière, d’une part parce qu’il accompagne de nombreux épisodes de la Bible, on pense à Noé, à Lot également et parce qu’il est utilisé dans la plupart des cérémonies religieuses. On le retrouve lors du Shabbat, le vendredi soir et le samedi matin, pour le Kiddouch, c’est-à-dire la bénédiction du Shabbat, on s’enivre pour Pourim, qui relate le sauvetage du peuple juif par la reine Esther et pour Pessah, la Pâques juive, les juifs doivent boire 4 verres de vin au fur et à mesure de la récitation de la Haggada. Bref, les exemples sont nombreux.

Ainsi, pour les personnes de confession juive, le vin a longtemps été associé au culte et il n’était pas nécessaire d’utiliser un vin qualitatif, la seule « condition » étant qu’il soit casher.

Toutefois, les choses ont changé. Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’amateurs de vins dans la communauté juive, qui souhaitent le consommer en dehors des obligations religieuses, puisque, au contraire d’autres religion, rien ne les empêche de consommer de l’alcool, le Talmud indiquant même qu’il n’est pas de joie sans vin, à condition encore une fois que celui-ci réponde aux normes casher.

Alors commençons par le commencement. Casher, ça veut dire quoi exactement ?

Le Kashrout est l’un des principaux fondements de la religion juive puisqu’il s’agit du code alimentaire regroupant l’ensemble des critères qui définissent un aliment autorisé ou non à la consommation par les juifs pratiquants, et l’ensemble des règles permettant de préparer ces aliments. Et ces aliments en question, ils sont dits Casher, c’est-à-dire « aptes » ou « convenables » à la consommation.

Et le vin ou l’alcool en général ne dérogent pas à la règle.

Alors qu’est ce qui distingue un vin normal d’un vin Casher ?

Et bien ce sont ses règles de fabrication.

Tout d’abord, signalons qu’avant que le raisin n’entre dans le chai, tout se passe de manière identique à l’élaboration d’un vin non Casher, le raisin en tant que fruit étant considéré comme aliment Casher par définition. N’importe qui peut le cultiver ou le ramasser, quelle que soit sa religion ou ses croyances.

Tout commence donc dans le chai, sur la table de tri. A partir de cette première étape de la vinification du vin, seuls des juifs pratiquants travaillant au domaine ou des personnes assermentés par les autorités religieuses juives, qu’on appelle des chomers, qui sont des délégués rabbiniques, sont habilités à le toucher et le manipuler. Et ce jusqu’à la mise en bouteille.

Tout ça bien évidemment sous le contrôle du maître de chai.

De plus, le matériel utilisé au cours de l’élaboration du vin doit être nettoyé de manière particulière de façon à ce que ne subsistent aucune impureté. Les cuves inox sont passées au Karsher et les cuves en ciment ou les fûts de chêne doivent être remplis d’eau froide trois fois en 24 heures. L’hygiène est donc très stricte, ce qui en soi est plutôt une bonne chose.

Alors vous comprenez que faire du vin Casher, pour un viticulteur, c’est assez contraignant. Il doit surtout accepter de laisser son « bébé » à un salarié ou à une personne étrangère au domaine et qui va faire les manipulations à sa place.

D’autant que ce n’est pas tout. La fabrication du vin doit respecter le calendrier hébraïque et cela peut être un souci car 3 fêtes juives importantes tombent pendant la période des vendanges : Soukkhot, la fête des cabanes, Yom Kippour, le Grand Pardon et Rosh Haschana, le nouvel an. Et pas question d’intervenir à ces moments-là ni en période de Shabbat, quelle que soit l’urgence. Et quand on sait qu’une récolte se joue parfois à la demi-journée voire à quelques heures prés, vous imaginez bien que ça peut être très compliqué.

Mais quand on arrive à faire un vin Casher, peu de choses le différencient d’un vin non casher puisque, vous l’avez compris, ils suivent le même processus de fabrication. Alors si on veut être précis, ce n’est pas tout à fait exact parce qu’il y a quand même quelques différences.

Les levures exogènes, les agents de filtration doivent être certifiés Casher. Bien sûr, les produits d’origine animale, comme la caséine et la gélatine, qu’on utilise pour le collage (l’opération qui consiste à récupérer toutes les petites impuretés et à clarifier le vin) sont interdits. Les agents de conservation également.

Et notez que c’est intéressant car cela signifie que ces vins peuvent s’adresser également à des consommateurs végétariens ou végétaliens, non juifs. Une petite nuance quand même avec le blanc d’œuf, autorisé dans le vin Casher mais pas chez les Vegans.

Une autre différence peut résider dans la composition d’un vin issu d’un assemblage, je pense aux Bordeaux par exemple, puisque dans des vins non cashers, il peut être possible de trouver un cépage en quantité marginale, par exemple le Petit Verdot. Compte tenu des conditions difficiles de production des vins Cashers, le viticulteur peut faire le choix de ne pas intégrer ce cépage dans la version Casher, tout simplement parce que la petite quantité nécessaire de ce cépage dans l’assemblage n’en vaut pas le coup.

Toutefois à peu de choses près, les vins Cashers et non Cashers ont des goûts identiques. Et vous pouvez trouver des vins Cashers blancs, rouges, rosés, des effervescents, des Champagnes, il n’y a pas vraiment de limites.

Les différences importantes, vous allez surtout les voir sur l’étalage du magasin.

Tout d’abord le prix. Le coût de production d’un vin Casher est plus élevé, c’est assez simple à comprendre. Plus d’interventions, le coût des Chomers, plus de temps passé, on estime un surcoût de 20 ou 30% par rapport aux vins non casher.

Ensuite, toutes les bouteilles de vin Casher portent des mentions bien spécifiques qui assure que le produit est reconnu Casher. Aux Etats-Unis, par exemple, ça peut être un U dans un cercle, le label de l’Union Orthodoxe, en France ça peut être KBDP, celui du Beth Din de Paris ou plus simplement la mention Casher, écrite en hébreu ou en lettres romaines et que l’on retrouve également sur les capsules et les bouchons.

Alors il faut quand même que je vous parle d’une mention particulière qui est Mevushal, qui signifie littéralement «cuit» ou «bouilli».

Sachez que si un non-Juif touche le vin, par exemple pour le verser dans un verre ou pour passer la bouteille, le vin perd son statut Casher. Alors c’est quand même un problème si une personne juive se voit par exemple offrir un vin casher par un non-juif, elle a l’obligation de le jeter, c’est également un problème pour les restaurants, ou si un invité non-juif touche par mégarde la bouteille, etc…

Alors pour contourner ce problème, on a trouvé une solution, on procède à une pasteurisation rapide du vin, c’est-à-dire qu’il est chauffé, porté très rapidement à 80°C puis refroidi très rapidement avant d’être mis en bouteille.

D’un point de vue œnologique, les vins pasteurisés gardent leurs caractéristiques et leurs arômes à court terme (l’opération de chauffe ne se sent absolument pas) mais perdent en potentiel de garde puisque ce processus tue des micro-organismes qui favorisent notamment le vieillissement du vin.

Alors pourquoi on fait ça ?

En fait, il faut revenir à des temps anciens lorsque les lois qui rythmaient la vie de la communauté juive ont été édictées et à cette époque, les autorités juives, les sages ont décidé d’interdire le vin fabriqué par des non juifs et le partage du vin avec un non-juif craignant que ces moments d’allégresse puissent faire sortir les juifs de leur chemin, ce qu’ils ont appellé l’assimilation, c’est-à-dire le risque qu’un juif abandonne tout ou partie de son identité juive au profit de pratiques non juives. Ce qui a fait entrer le vin dans la liste des produits régis par les lois du Kachrout.

Mais ils ne l’ont fait que pour le vin traditionnel. Pas du vin qui serait cuit, qui n’existait pas à l’époque. Et on a donc considéré que le vin cuit perdait ses propriétés suite à la cuisson et donc son statut de vin et que de fait, si le vin n’était plus du vin, il sortait du cadre de l’interdiction et il pouvait être partagé et manipulé par un non-juif.

Alors reste à savoir ce qu’est un vin « cuit » et là tout le monde n’est pas d’accord car certains considèrent que chauffer un vin quelques minutes, d’autant plus si ça ne le modifie pas, n’est pas dans l’esprit de la règle. Mais ça a été tranché, un vin est Mevushal même après une pasteurisation.

Sachez qu’en Israël la règle est que tous les vins sont Mevushal par défaut sauf si une mention précise « NON MEVUSHAL ».

Ailleurs, c’est le contraire, par défaut, tous les vins cachers ne sont pas Mevushal. Lorsqu’ils le sont, la mention MEVUSHAL figure sur la bouteille.

Bien sûr, du vin Casher, on en produit en Israël. Au passage, en Israël, on ne produit pas que du vin Casher, on aura l’occasion d’en reparler dans un autre podcast. Mais quand il s’agit de vin Casher, les règles de production ont tendance à être beaucoup plus strictes. Par exemple, le dernier traitement biologique de la vigne doit avoir lieu au plus tard 2 mois avant la récolte, le sol doit être mis au repos tous les 7 ans et la complantation est interdit.

Mais il n’y a pas qu’en Israël qu’on fait ce type de vins, car bien que la difficulté et les coûts de production rebutent beaucoup de viticulteurs, certains ont compris l’intérêt qu’il pouvait y avoir à s’ouvrir un nouveau marché très important. D’autant qu’à ce jour, il n’y a pas une offre immense de bons vins Cashers.

Alors vous en trouvez, en Allemagne, en Italie, en Afrique du Sud, aux État-Unis, etc… et bien sûr en France et ce quasiment dans tous les vignobles du pays, que ce soit des vins modestes ou produits par de très grands domaines.

Que vous soyez de confession juive ou non, j’espère que vous en savez un peu plus sur ces vins casher, alors bien sûr pour des non-juifs ils n’ont aucun intérêt et pour les pratiquants, nous espérons que de plus en plus de domaines trouveront le moyen de leur proposer leurs vins pour leur permettre d’avoir accès à ce qui se fait de mieux sur la planète. Et avec modération bien sûr.

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