Bonjour les amis, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, j’espère que vous allez bien, et aujourd’hui, une fois n’est pas coutume nous n’allons pas parler d’une appellation mais plutôt d’un concept, appelons-le comme ça qui est la vente des vins en primeurs, en s’appuyant plus spécifiquement sur les vins de Bordeaux puisque c’est là que ce système de vente est le plus développé et ce dans le cadre d’une organisation unique au monde que je vais vous expliquer.
Pour commencer, il faut d’abord préciser la différence entre la vente de vins primeurs et la vente de vins en primeurs.
La vente de vins primeurs concerne des vins mis en vente très rapidement après la vendange, en général avant le printemps suivant la récolte, donc avec un élevage très court. Le meilleur exemple est celui des Beaujolais Nouveaux qui sont commercialisés à partir du troisième jeudi de novembre qui suit la récolte. Tout cela vous le savez, si vous avez écouté le podcast sur ce thème.
En revanche, La vente des vins en primeurs, ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est autre chose. En fait, cette vente fait référence à un système de vente qu’on retrouve essentiellement dans le Bordelais, consistant à vendre au printemps suivant la récolte des vins qui sont en cours d’élevage, en barriques et donc non commercialisable. Il s’agit donc en quelque sorte d’une pré-commande puisque le vin ne sera mis sur le marché et livré que plusieurs mois après (généralement deux ans), une fois l’élevage terminé et le vin mise en bouteille.
Puisqu’on va beaucoup parler de Bordeaux, maintenant il faut que je vous explique comment fonctionne le business du vin sur la place de Bordeaux. Il y a 3 acteurs principaux : les viticulteurs, les châteaux, les domaines, ceux qui produisent le vin, ensuite les courtiers et enfin les négociants.
Quel est le rôle de chacun ?
Il y a à peu près de 400 négociants à Bordeaux, pour les plus importants historiquement implantés dans le quartier des Chartrons, le long des quais de la Garonne, dans de magnifiques bureaux et hôtels particuliers. Ils exercent un métier ancien puisqu’ils remontent au XIème siècle, à l’époque où l’Angleterre commençait à acheter des vins à Bordeaux. Et il fallait bien des gens pour sélectionner ces vins, parfois les élever et au final les proposer à nos amis anglais.
Aujourd’hui, le rôle des négociants reste la diffusion et la commercialisation des vins obtenus auprès des domaines et châteaux, via un système d’allocations, puisque la grande majorité, disons 70/75% des propriétés, 90 % pour les grands crus, ne vendent pas leurs vins directement aux clients finaux mais d’abord à ces négociants spécialisés dans les crus classés ou les marques ou encore les vins plus modestes.
Entre ces fameux négociants et les propriétés, il y a d’autres acteurs, ce sont les courtiers. Ce sont donc des intermédiaires qui ont un rôle de conseil auprès des deux parties et surtout la mission de rapprocher l’offre de la demande et de veiller à la bonne exécution des contrats.
Ils sont actuellement une centaine sur Bordeaux et se doivent d’une part de connaître parfaitement les domaines pour lesquels ils travaillent, leurs terroirs, leur choix de vinification, et leurs vins et d’autre part d’être en mesure de proposer aux négociants les vins qu’ils recherchent pour satisfaire leur clientèle.
Ils ont également un rôle supplémentaire, consultatif, dans la fixation du prix des vins vendus en Primeur et dans la cotation générale des vins de Bordeaux.
Ainsi à Bordeaux, 75% des transactions entre les propriétés et les négociants passent par le courtage. C’est donc un très gros business.
Donc vous comprenez maintenant que lorsque vous achetez un cru classé de Bordeaux, le château le produit, un courtier trouve des acheteurs-négociants moyennant une commission, les négociants les revendent à des distributeurs qui les revendent aux clients finaux. Bref, ça fait beaucoup d’intermédiaires.
Et dans le cadre de cette organisation très particulière, vous avez donc la vente des vins en primeurs.
Historiquement, cette pratique remonte au XVIIIe siècle, lorsque les négociants bordelais se rendaient dans les châteaux quelques mois avant les vendanges pour estimer et acheter la récolte sur pied, s’occupant généralement par la suite eux-mêmes de l’élevage et de la mise en bouteille des vins.
Aujourd’hui c’est un peu différent puisque les propriétés font leurs propres élevages. Tout se passe alors lors d’une fameuse semaine de dégustation de ces primeurs, une grand–messe du vin mise en place dans les années 70 et qui a lieu chaque année au mois d’avril.
Les professionnels du vin du monde entier, la presse et des dégustateurs goûtent les vins, rédigent leur compte-rendu sur chaque vin et leur donne des notes, essayant d’estimer la qualité du millésime. Ces notes sont-elles fiables puisque les vins commencent à peine leur phase d’élevage, ça, c’est un autre débat.
Et suite à ça, les châteaux commencent leur campagne de primeurs avec des prix qui tiennent compte à la fois des notes données aux vins par les critiques et de la demande qui en découle.
Historiquement, seuls les grands crus classés participaient aux primeurs, mais aujourd’hui, la plupart des domaines disons de qualité le proposent.
Toutefois, depuis quelques années, certains domaines ont tourné le dos au système des primeurs tel qu’il est organisé sur la Place de Bordeaux. C’est le cas du château Latour, qui ne vend ses vins que lorsqu’ils sont prêts à boire et qui reprend ainsi le contrôle du prix de ses vins.
Donc, le système existe mais les propriétés peuvent très bien s’en détourner.
Ce sont ensuite les négociants accrédités (ceux auquel les propriétaires ont accordé des allocations), qui vont se charger de vendre ces vins aux différents acteurs de la distribution (cavistes, restaurants, sites de e-commerce …).
Une fois les transactions effectuées, les vins achèvent leur élevage à la propriété, jusqu’à la mise en bouteille puis sont livrés entre 18 et 24 mois après la période de primeurs.
Quels sont les avantages et les inconvénients de cette pratique ?
L’intérêt principal, c’est d’obtenir des bouteilles à un prix plus attractif que le prix une fois le vin embouteillé et commercialisé. Alors certes, pour vous c’est une sorte d’avance que vous faites au château mais la contrepartie c’est que vous payez les vins moins chers, on parle de 10 à 30% en général.
Cela vous permet également d’avoir la certitude d’acquérir les vins que vous souhaitez. En général, les volumes sont conséquents à Bordeaux donc s’approvisionner n’est pas un problème mais bon on ne sait jamais ce qui peut arriver pour certains vins très prisés dans certains millésimes réussis.
Vous savez de plus que votre vin provient du chais du château et n’est pas resté de longues semaines ou de longs mois dans la zone de stockage d’un intermédiaire.
Cependant, je vois 2 inconvénients, le premier c’est de devoir posséder l’argent nécessaire à l’achat des vins lors de leur sortie en primeur et de ne pas avoir en quelques sortes le contrôle du timing de la dépense et l’autre c’est d’avoir confiance en l’intermédiaire à qui vous achetez les vins car un intermédiaire peut très bien faire faillite. Les clients du site 1855.com par exemple en ont fait l’amère expérience.
Voilà, vous êtes désormais incollable sur les Primeurs. Alors, on a largement parlé des vins de Bordeaux car les ventes en primeurs restent très fortement associées à la place de Bordeaux, mais ce système existe aussi dans d’autres vignobles sans être toutefois orchestré et généralisé comme à Bordeaux. Ça existe dans les grands vignobles, en Alsace, en Bourgogne (pensez aux Hospices de Beaune par exemple, là aussi je vous renvoie au podcast sur le sujet), dans la Vallée du Rhône également, etc…
Quoiqu’il en soit, s’il vous prend l’envie d’acheter des vins en primeurs, why not, il vous faudra trouver un distributeur sérieux, de confiance, qui le propose. A la commande, vous procéderez au paiement des vins en TTC et lors de la mise à disposition des vins soit environ 2 ans après, vous devrez vous acquitter des éventuels frais de port.
Sinon, vous attendez un peu et il peut arriver que vous tombiez sur des prix qui pourraient être aussi voire plus intéressants dans les linéaires des grandes surfaces lors des foires aux vins mais sans maîtrise des conditions de stockage. Donc à vous de voir quelle tactique adoptée si vous voulez boire des crus classés de Bordeaux, avec modération évidemment.