Les Finger Lakes, la région des grands lacs

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Les Finger Lakes, la région des grands lacs

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast, 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud et je suis ravi de vous retrouver pour ce nouvel épisode. Alors, dans le précédent podcast, je vous avais dit qu’on irait dans une région que vous connaissez à coup sûr et pour cause, puisque nous allons dans l’Etat de New York, dans les Finger Lakes. J’adore cette région. Elle est incroyable et je suis très content de vous en parler aujourd’hui.

New York, ce n’est pas que Manhattan, c’est un état assez grand dont la capitale est Albany, pour ceux qui l’ignorent. Et là, on se trouve dans le nord des Etats-Unis, à quatre, cinq heures de route de New York City, juste sous le lac Ontario, donc à la frontière avec le Canada, tout près de la ville de Syracuse.

Les Finger Lakes, c’est un ensemble de lacs. Il y en a onze au total, qui ont la particularité d’être très allongées dans le sens Nord-Sud. L’image rappelle donc un peu la forme des doigts, d’où le nom Finger Lakes.

La région des Finger Lakes est la plus grande région viticole de l’état de New York, qui en compte sept au total et occupe à peu près quatre mille hectares. Elle a le statut d’AVA, l’équivalent de nos appellations. On en avait déjà parlé quand on avait abordé les vins d’Oregon.

L’AVA Finger Lakes englobe deux autres AVAs, qui sont Cayuga Lake et Seneca Lake, du nom des deux principaux lacs de la région. Si vous êtes curieux, allez voir sur Google Maps une vue de haut de la région avec les lacs. C’est assez fascinant.

Il y a une légende qui dit que le bon dieu aurait créé ces lacs en posant sa main sur les terres, pour bénir ces terres. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas, mais bon, c’est la légende.

Alors on va s’intéresser à ces lacs, parce qu’il n’y aurait pas de viticulture dans cette région sans eux.

Juste une petite anecdote, pour commencer. À l’époque, la région constituait le territoire des nations Iroquoises, dont faisait partie les Seneca et les Cayuga qui ont donné leur nom aux lacs.

Dans cette zone le climat est continental et peut être très chaud l’été, mais surtout très, très froid l’hiver, et sur une période assez longue. La vigne ne pourrait donc pas s’épanouir, voire survivre dans ces conditions sans un microclimat et le raisin ne pourrait pas mûrir.

Oui, mais voilà, les lacs jouent le rôle de régulateur thermique. Ce sont des lacs d’origine glaciaire très profonds. Le lac Cayuga, c’est cent trente-trois mètres de profondeur, et le lac Seneca, cent quatre-vingt-huit mètres donc, avec un volume d’eau très important. Et le phénomène qui se produit est essentiel à comprendre car on le retrouve dans différentes zones viticoles du monde.

Je vous l’explique. Les masses d’eau se réchauffent et se refroidissent plus lentement que les terres environnantes. L’été, elles emmagasinent la chaleur et la restitue à l’automne, quand il commence à faire froid. Les terres bénéficient de cette chaleur et cela permet de prolonger le cycle végétatif de la vigne et d’éviter les premières gelées. Ainsi, les raisins atteignent une maturité complète.

Au printemps, Inversement, la fraîcheur des lacs va retarder le débourrement, c’est-à-dire la sortie des bourgeons, permettant de minimiser les dégâts dus aux gelées tardives. Et plus il y a d’eau, plus ce phénomène est marqué.

En raison des origines glacières des lacs, on retrouve également sur l’appellation une très grande variété de sols, des calcaires, des schistes, des graviers, des argiles, et cela se traduit naturellement dans la typicité des vins selon les zones.

Les sols sont très drainants et peu riches. C’est bien, car il tombe en moyenne mille millimètres de pluie par an, ce qui n’est pas mal, et surtout dans la période estivale, ce qui peut être un problème, notamment parce qu’il fait très chaud. La pluie et la chaleur, c’est idéal pour les maladies. Mais le principal problème reste quand même le froid. Donc, les vignes sont aux abords des lacs, sur des pentes orientées vers l’est ou vers l’ouest, pour bénéficier d’une exposition maximale et aussi parce qu’avec la forme allongée des lacs, il n’y a pas vraiment d’autres possibilités. Les vignes doivent se trouver là où il y a le plus d’eau.

On peut aussi avoir des vignes plus éloignées des lacs, mais ce sont des vignes américaines plus résistantes au froid, et non des Vitis Vinifera avec lequel on fait les vins qualitatifs.

Alors je vous dis un mot là-dessus également. Aux Etats-Unis, cohabitent deux espèces de vignes : des vignes natives américaines et l’espèce eurasienne, la mère de tous les cépages que nous connaissons, l’espèce Vitis Vinifera. Et aujourd’hui, dans le monde, à quelques exceptions près, on ne fait du vin de qualité qu’à partir de Vitis Vinifera. Tous les cépages que vous connaissez, sont des Vitis Vinifera.

Alors, à quoi servent les espèces américaines ? A faire du jus de raisin ou de la confiture. D’ailleurs, l’état de New York est un gros producteur de jus de raisin, mais pas seulement. En fait, ces vignes américaines ont un énorme atout : elles sont très résistantes, et notamment au Phylloxéra, vous savez ce petit insecte qui ravagea la plupart des vignobles dans le monde dans la seconde partie du dix-neuvième siècle, en s’attaquant aux racines des vignes.

Si on peut produire du vin de qualité aujourd’hui en Europe et dans le monde en général, c’est bien grâce aux vignes américaines. Parce que toutes les vignes Vitis Vinifera, les Cabernet Sauvignon, Chardonnay, Pinot noir, Riesling, tout ce que vous voulez, sont greffés sur un système racinaire américain. On appelle ça un porte-greffe, qui, lui, est résistant au Phylloxéra. C’est la solution qui a été trouvée à l’époque pour replanter les vignes sans risquer que le phylloxéra les détruisent à nouveau.

Ça, c’est très important à savoir. Tous les vins que vous buvez viennent d’une plante qui a été greffée sur un porte-greffe américain. Il y a des cas particuliers, mais aujourd’hui on n’entrera pas dans le détail.

Aux Etats-Unis, il existe aussi des hybrides. Ce sont des vignes dont un parent est américain et l’autre est Vitis Vinifera. Ce n’est pas la même chose qu’un croisement dont les deux parents sont de la même, deux Vitis Vinifera, par exemple.

Alors revenons aux Finger Lakes.

Comment en est-on arrivé à ce que cette région soit en mesure de proposer des vins de qualité ?

Des vignes autochtones sont cultivées un peu partout depuis longtemps aux Etats-Unis. Au milieu du dix-septième siècle, les européens amènent la vigne européenne avec eux dans cette partie du pays, mais connaissent plein de problèmes, notamment en raison des maladies et du fameux Phylloxéra, dont on n’a pas encore connaissance à cette époque, évidemment. En plus, la Vitis Vinifera n’est pas une vigne qui aime le froid. Bref, cela ne fonctionne pas et on continue à faire du vin avec des vignes américaines.

Au début du dix-neuvième, sont plantés les premières vignes dans les Finger Lakes, des vignes américaines, bien sûr, parce qu’on n’a toujours pas trouvé comment faire pousser la vigne européenne, et d’ailleurs on pense que c’est impossible.

Et celui qui va prouver que c’est possible, c’est un certain Docteur Konstantin Frank. Konstantin Frank est ukrainien, expert reconnu en viticulture, qui a décidé de fuir l’Europe et de migrer aux Etats-Unis pour offrir de meilleures conditions de vie à sa famille. Il n’a pas d’argent, ne parle pas anglais, mais bon, bon an mal an, arrive à acquérir, au bout d’un certain temps, des terres dans les Finger Lakes et démontré que le problème n’est pas la plante, mais le porte-greffe. En gros, il faut greffer la Vitis Vinifera sur un système racinaire américain ou hybride, qui, lui, est résistant au climat de la région. Il se met à planter du Riesling, du Pinot Noir, Chardonnay et tout un tas d’autres cépages, Et ça fonctionne. D’autres lui emboîtent le pas, et c’est ainsi que les Finger Lakes ont acquis leur notoriété.

En raison des caractéristiques des sols et du microclimat très particulier de la région, les vins produits sont plutôt des vins aromatiques avec une faible teneur en alcool. C’est plutôt une région de blanc avec un cépage phare qui est le Riesling. Ce sont des Riesling aux notes d’agrumes, des notes citronnées, une belle acidité, de la minéralité, des notes pétrolées comme ce qu’on peut connaître en Alsace, par exemple.

Alors, les vignerons locaux ne veulent pas qu’on les réduise à des producteurs de Riesling, parce qu’on trouve d’autres cépages, comme le Chardonnay, avec des arômes de fleurs blanches, de poire, de pomme, mais aussi du Gewurztraminer, un peu de Pinot Gris, des cépages qui font un peu penser à l’Allemagne. D’ailleurs, il y a beaucoup d’influences germaniques, le nom de certaines villes, de certains vignerons ou, comme on l’a dit, des cépages utilisés.

On y fait quand même des vins rouges plutôt légers également, avec de la fraicheur, une belle trame acide. Ils sont surtout produits à base de Cabernet Franc, mais aussi de Pinot Noir, un peu de Merlot et parfois de Syrah.

Le climat froid permet également de produire de très bons vins de glace à base de Riesling ou de Vidal. Le Vidal, c’est un des rares cépages hybrides utilisés pour faire des vins qualitatifs. Il est issu d’Ugni blanc, qui s’appelle le Trebbiano en Italie, et de Rayon d’Or. On le trouve surtout au Canada. On en reparlera quand on parlera du Canada.

Les vins de glace, sont des vins élaborés à partir de raisins gelés, récoltés vers moins dix degrés, ce qui a pour conséquence d’emprisonner en quelque sorte l’eau des baies et de ne faire sortir que le jus sucré lors de la presse.

Enfin, on peut trouver des vins effervescents aussi, élaborés selon la méthode traditionnelle, la méthode champenoise.

Il y a environ cent cinquante wineries dans les Finger Lakes. La plupart des domaines se trouvent autour des trois principaux lacs : Seneca, Cayuga, qu’on a évoqués, et le troisième, qui est Keuka, le troisième plus grand lac de la région.

Je peux vous mentionner quelques domaines, donc le domaine Docteur Konstantin Frank, bien sûr, on en a parlé, Wiemer, qui fut un pionnier, Hosmer, Fox Run, ButtonWood Grove, Wagner, Silver Spring, Three Brothers, Forge Cellar, etc. Etc.

Les bouteilles se vendent entre vingt et cinquante euros. Malheureusement pour nous, européens, ce n’est pas facile de s’en procurer. On peut trouver çà et là, quelques offres sur internet. Le mieux, c’est quand même de faire un petit saut là-bas. Je sais que ce n’est pas la porte à côté, mais la région est superbe et ça vaut vraiment le coup.

Voilà, la prochaine fois que vous boirez un Riesling, attention, dites-vous que c’est peut-être un des Finger Lakes et non un vin d’Alsace ou d’Allemagne, et vous saurez que s’il est dans votre verre, c’est grâce à l’un des lacs. Dans le prochain épisode, on reviendra en France pour parler d’une appellation du vignoble bordelais. D’ici là, faites-vous plaisir, buvez du bon, avec modération, bien sûr.

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