Le Beaujolais Nouveau, l’incontournable de Novembre

Le Beaujolais Nouveau, l’incontournable de Novembre

Bonjour à tous, bienvenue sur Pod’Vins, votre podcast 100% Vins, mais pas que, je suis Arnaud, et depuis quelques mois je vous propose des RV chaque semaine pour explorer les régions viticoles dans le monde, parler des alcools et tout ce qui peut se rapporter à l’oenologie.

Et aujourd’hui, je vous propose un épisode exceptionnel puisque dans quelques jours, nous allons fêter comme chaque année le Beaujolais Nouveau et c’est donc de ça dont je vais vous parler.

Les Beaujolais Nouveaux sont des vins produits dans le vignoble du Beaujolais, ça je crois que je ne vous apprends rien, au sein de 2 appellations, Beaujolais et Beaujolais-villages. Et ce sur 16000 hectares.

Beaujolais Nouveau n’est donc pas une appellation mais le nom qu’on a donné à des vins produits dans des conditions particulières que je vais vous expliquer.

Avant, je vous rappelle juste qu’il existe 3 niveaux d’appellations dans le Beaujolais : Beaujolais, Beaujolais-Villages, d’où viennent donc les Beaujolais Nouveaux, auxquels s’ajoutent 10 crus dont vous avez certainement entendu parler comme Moulin à Vent, Brouilly, Chiroubles, Juliénas, etc, ce qui fait au total 12 appellations dans le vignoble du Beaujolais.

La zone géographique s’étend sur la bordure orientale du Massif Central, sur 2 départements, le Rhône et la Saône et Loire, entre la plaine de la Saône et les « Monts du Beaujolais » sur environ 55 kilomètres de long, 15 à 20 kilomètres d’est en ouest, et à une altitude comprise entre 180 et 550 mètres.

Vous avez plutôt les crus sur la partie Nord, juste en dessous et un peu à l’Ouest, les Beaujolais-Villages et enfin au Sud et à l’Est l’appellation Beaujolais.

Dans la région, il y a une géologie complexe mais globalement on a plutôt des granites sur la partie Nord là où se trouvent les crus et des sols argilo-calcaires sur la partie Sud, avec une orientation des vignes à l’est et au sud pour maximiser l’ensoleillement.

Car le climat est océanique dégradé avec des influences continentales (avec des étés chauds, des hivers frais, du vent venant du Nord) et des influences méditerranéennes. La région bénéficie aussi de l’effet modérateur de la Saône et de la protection naturelle apportée par les Monts du Beaujolais qui l’abritent des vents et des perturbations venant de l’Ouest.

La particularité des Beaujolais Nouveaux, c’est que ce sont des vins de primeur, c’est-à-dire les vins de l’année en cours tout juste récoltés et vinifiés, commercialisés dans le monde entier le troisième jeudi de novembre, à minuit dans la nuit de mercredi à jeudi, et ce au cours d’une grande fête, très bien orchestrée par les viticulteurs, les patrons de bars et les restaurateurs.

Mais ça n’a pas toujours été comme ça.

En effet, un arrêté du 8 septembre 1951 va tout bouleverser. Il dispose en effet que les vins d’AOC en France ne peuvent être vendus qu’à partir du 15 décembre suivant la récolte. Mais pour les vignerons du Beaujolais, cette date est trop tardive. Ils estiment pouvoir vendre leur vin beaucoup plus rapidement, d’autant que la demande est là.

L’Union viticole du Beaujolais fait pression et demande de pouvoir commercialiser ses vins primeurs avant la date du 15 décembre officiellement prévue. Ils finissent par avoir gain de cause et le 13 novembre 1951, on les autorise à commercialiser leurs vins sans attendre le déblocage du 15 décembre, mais à la condition de mentionner le mot « nouveau » sur l’étiquette des bouteilles. Le Beaujolais Nouveau est officiellement né.

A partir de là, on clame chaque année que « le Beaujolais Nouveau est arrivé ! », la fameuse phrase dont beaucoup se disputent la paternité, et qui annonce la sortie du fameux breuvage. Sortie d’ailleurs qui se fait alors à une date variable chaque année, il n’y a pas de jour précis. Il faut attendre 1967 pour que la date du 15 novembre soit adoptée. Mais le problème d’une date fixe, c’est qu’elle peut tomber un dimanche, un lundi ou un mardi, bref ce n’est pas terrible. Alors en 1985, on décide d’adopter le troisième jeudi de novembre. Un jeudi, c’est parfait pour faire la fête, tout le monde est là et en cas de petite fatigue le lendemain, le WE n’est pas bien loin.

Et le succès est au rendez-vous. Le Beaujolais Nouveau réussit à conquérir le monde et ce n’est pas rien. D’une tradition locale qui ne dépassait pas les frontières de la région, c’est devenu un phénomène mondial grâce notamment à des gens comme Georges Duboeuf qui est un des grands artisans de sa promotion et sa commercialisation dans le monde. Aujourd’hui, le Beaujolais Nouveau, c’est 18 millions de bouteilles dont 40% vendues à l’étranger, que ce soit en Europe, aux Etats-Unis ou au Japon. D’ailleurs le Japon est le pays où les Beaujolais Nouveaux sont dégustés en premier grâce au décalage horaire, à minuit, et les japonais en raffolent.

Alors, c’est un peu paradoxal cette histoire du Beaujolais Nouveau parce que d’une part ça a permis de mettre le Beaujolais sur la carte, notamment pour les étrangers et ça c’est plutôt positif mais le revers de la médaille c’est que beaucoup ont assimilé les vins du Beaujolais au Beaujolais Nouveau, et malheureusement parfois de mauvaise qualité. Et ça a fait beaucoup de tort aux très bons Beaujolais-Villages voire aux 10 crus, qui hormis peut-être le cépage n’ont pas grand-chose à voir avec les Beaujolais Nouveaux.

Parce qu’il faut être honnête, dans le passé, Beaujolais Nouveau n’a pas toujours rimé avec qualité notamment avec ses notes amyliques exagérés de banane ou de framboise obtenues grâce aux levures ajoutées lors de la vinification.

Mais voilà aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé, de nombreux vignerons, notamment les nouvelles générations proposent des Beaujolais Nouveaux de bonne qualité, bien vinifiés avec des raisins cultivés dans le plus grand respect de l’environnement.

Ces Beaujolais Nouveaux peuvent être produits en rouge mais aussi en rosé, parfois on l’ignore, mais bon, c’est essentiellement du rouge, élaboré à base de Gamay et plus précisement de « Gamay noir à jus blanc » pour le différencier des autres gamays notamment ceux à jus noir.

Car le Gamay, c’est la star de la région, 2/3 des Gamay dans le monde proviennent du Beaujolais.

C’est un cépage précoce, qui débourre tôt, le débourrement c’est quand sortent les bourgeons au printemps et qui est généreux donc pour faire un vin de qualité, il faut être super vigilant, le planter sur des sols pauvres, avoir une densité de plantation élevée pour que les pieds de vignes soient en concurrence entre eux et soient obliger de se démener pour trouver l’eau et les nutriments dont ils ont besoin, il faut bien tailler également, il faut donc s’adapter pour ne pas le laisser produire à tort et à travers.

Sachez tout de même que la législation autorise l’assemblage avec d’autres cépages comme le Chardonnay, l’Aligoté, le Pinot gris, le Pinot noir et quelques autres, dans une proportion limitée à 15 % de l’encépagement mais d’un point de vue général, retenez que ce sont des mono-cépages.

Le Beaujolais Nouveau, sous ses airs un peu simplets, ce n’est pas un vin facile à faire, pour de nombreux viticulteurs, c’est un vin très technique à produire, car il s’écoule environ 1 mois entre la récolte et la mise en bouteille, c’est très peu donc les décisions doivent être prises très rapidement et il n’y a quasiment pas de marge de manœuvre en cas de problèmes.

Cette vinification, elle a pour but de faire ressortir essentiellement du fruit et faire un vin facile à boire. De la récolte à la mise en bouteille, toutes les étapes et tous les choix sont orientés dans ce sens.

A la base, il faut bien sûr une belle matière première et si la qualité des Beaujolais Nouveaux s’améliorent c’est aussi parce que les vignerons rentrent de beaux raisins, cultivés en respectant l’environnement comme on l’a déjà dit.

Ils peuvent être vinifiés de manière traditionnelle, comme tous les rouges tranquilles ou faire l’objet d’une vinification par macération carbonique mais plus largement d’une vinification dite beaujolaise, c’est-à-dire semi-carbonique.

Alors qu’est- ce que c’est exactement ?

Déjà, ça part de vendanges manuelles obligatoirement car les grappes doivent être entières et dans un état le plus nickel possible. Ensuite, l’idée, c’est de mettre ces grappes entières à macérer quelques jours, ça c’est à la discrétion du vigneron, dans des cuves hermétiques saturées en CO2. Se produit alors une fermentation intracellulaire à l’intérieur des grains de raisins, donc ce ne sont pas des levures qui transforment le sucre en alcool mais des enzymes à l’intérieur des baies. Quand le degré d’alcool atteint environ 2 degrés, la pellicule éclate, les baies sont pressées et la fermentation se poursuit de manière classique. Ça c’est la macération carbonique.

La semi-carbonique est légèrement différente, c’est plus celle-ci qui est utilisée pour les Beaujolais Nouveaux. Les cuves ne sont pas fermées hermétiquement et ne sont pas purgées au CO2. Les grappes entières sont mises dans la cuve et sous le poids des baies qui se trouvent au-dessus, les baies qui sont en fond de cuve éclatent, libère du jus qui permet le début d’une fermentation alcoolique classique donc avec production de CO2 nécessaire pour que les baies au-dessus, celles qui n’ont pas éclatés puissent entamer leur fermentation intracellulaire. La suite est identique, on presse et une fermentation classique finit le travail.

Et cette technique de vinification apporte surtout des arômes de fruits frais, peu de couleur, peu de tannins, moins d’acidité et d’alcool.

Selon les terroirs d’où proviennent les raisins, les vignerons, les choix de vinification, il y a donc non pas un mais une multitude de Beaujolais Nouveaux. Cela dit, en règle générale, ce sont des vins peu colorés, rubis avec des reflets violets, des vins légers, avec peu de tannins, des vins faciles à boire, gourmands, des vins que l’on dit gouleyants.

Ce qui les caractérise c’est le fruit, ce sont des vins fruités, fruits noirs les années plus chaudes, fruits rouges les années plus fraîches, qui en fonction des levures sélectionnées peuvent effectivement révéler des notes de bonbon anglais, de banane, de framboise voire de vernis à ongles. Et d’ailleurs, les soirs de sortie du Beaujolais Nouveau, c’est un peu la ritournelle, alors ça sent la banane ou la framboise cette année ?

Evidemment, ce ne sont pas des vins de garde, il n’y a pas une grande structure, ça se conserve quelques semaines et de toute façon ce n’est pas l’idée, l’idée c’est un peu le côté éphémère. Même si toutefois, il est possible de trouver ça et là des cuvées qui tiennent plusieurs années mais ce n’est clairement ni l’esprit ni la norme.

Les Beaujolais Nouveaux, ce sont donc des vins de fête, des vins de copains comme on dit, de bons moments passés entre amis qui s’accordent parfaitement avec des plats canailles, avec une planche de bonne charcuterie lyonnaise par exemple, de la Rosette, un pâté en croute, du jambon et bien sûr avec les fromages de la région lyonnaise comme le Saint-Félicien, le Saint-Marcellin voire une belle Tomme du Beaujolais.

Alors si vous n’en trouvez pas, c’est que vous vivez sur une île déserte parce qu’à partir de sa sortie, vous en voyez partout, même à l’étranger. Ce ne sont pas des vins très chers, c’est entre 5 et 15 euros la bouteille et donc ça peut vous permettre pourquoi pas d’en essayer plusieurs et constater comme je vous l’ai dit qu’il n’y a pas un Beaujolais Nouveau mais bien des Beaujolais Nouveaux, et je compte sur vous, avec modération.

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